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Dès lors qu'on se focalise sur le chômage juvénile, l'opinion qui l'emporte est celle d'un hypothétique désengagement des jeunes dans le processus d'insertion et d'intégration professionnelles. C'est faire peu de cas, sans doute, de la réalité du marché du travail aujourd'hui : d'aucuns semblent vouloir ignorer la persistance du chômage structurel sur l'île. Le marché de l'emploi est un lieu révélateur des tensions sociales auxquelles doit faire face l'individu : il exige adaptation, disponibilité, mobilité et flexibilité et, pour le jeune chômeur débutant qui expérimente les transformations des normes et des conditions de travail, de rémunération et de pratiques de gestion des ressources humaines, la recherche d'emploi est rendue d'autant plus délicate qu'il doit composer avec des logiques distinctes, voire contradictoires.
Ce sont des injonctions parfois inconciliables dont il doit faire la synthèse : logiques professionnelles face aux logiques familiales. Autrement dit, d'un côté un monde du travail cloisonné et sans grande perspective, enjoignant d'opter pour l'affranchissement, la mobilité, l'autonomie, l'anonymat et l'affirmation de l'identité individuelle ; de l'autre, une double exigence de promotion sociale et en même temps de fidélité aux valeurs familiales, impliquant une proximité sociale et géographique avec les proches.
Deux phénomènes sociaux contemporains se sont télescopés : une explosion scolaire qui a permis à la majorité des nouvelles générations d'accéder au secondaire et aux études supérieures et, parallèlement, une raréfaction relative des offres d'emploi qui entraîne parfois des concurrences intergénérationnelles sur le marché du travail. Surtout, les trajectoires d'insertion juvénile se sont diversifiées, illustrant l'hétérogénéité des jeunesses réunionnaises.
L'école a élargi les espaces de choix des individus mais la confrontation avec le marché du travail bouleverse les ambitions juvéniles. Ces nouvelles configurations ont exercé un impact considérable, à l'intérieur des familles, sur l'investissement en formation, sur la production des espérances personnelles, sur la gestion des désillusions face au chômage de primo-insertion, face au désajustement ou au déclassement, face au refroidissement possible des attentes.