J’aime beaucoup l’univers d’Annie Ernaux, ses capacités d’analyse en lien avec la sociologie, sa sensibilité et son regard sur la vie. Ses courts romans s’adaptent particulièrement aux collections particulières de maisons d’édition ( Les affranchis, Raconter la vie…)
Habituée à subir la corvée des courses depuis de nombreuses années pratiquement de manière hebdomadaire, je me suis sentie très concernée par cette étude. Hasard géographique, mon lieu habituel est aussi un magasin Auchan, situé au centre commercial des Trois Fontaines mais dans une autre région. Est-ce
cette coïncidence qui m’a vraiment fait ressentir les mêmes impressions ?
Dès que je franchis, la ligne de départ, je devine le prochain évènement du calendrier. En ce moment, c’est le foot mais nous allons bientôt, à peine les vacances commencées, voir débouler les fournitures scolaires. Oui, les grandes enseignes nous obligent à respecter un calendrier pour nos achats, nous obligent à penser à l’avenir sans même savourer le moment présent.
Cloisonné dans les rayons et les cerveaux, les jouets garçons et les jouets filles sont bien distincts, les rayons bio et les rayons "hard-discount" sont aussi éloignés que les classes sociales qui les visitent. L’hypermarché nous cloisonne, nous éduque, nous maintient dans nos carcans sociaux. Il n’est qu’un microcosme de la société.
Annie Ernaux, auteur et moi, grande lectrice ne pouvons nous résoudre à jeter un œil au rayon Librairie et nous (en tout cas moi) insurger de constater ce "top 10" des ventes. La semaine dernière, le tiercé gagnant était encore Marc Lévy, Guillaume Musso et Katherine Pancol. Je ne peux m’empêcher de regarder mais toujours de loin. Alors, moi aussi, il m’arrive de lever la tête, de constater ce dédale de gros conduits et éventuellement quelques vols d’oiseaux perdus. Par contre, je n’ai pas encore vu de souris mais j’ai constaté la forte odeur du rayon poissonnerie coincé chez nous aussi en bout de magasin.
Alors, bien évidemment, j’ai apprécié la plume de cette grande auteure, mais son analyse n’a fait que confirmer mon expérience de femme contrainte à rejoindre cette "communauté de désirs" de manière régulière.
Fort heureusement, l’auteur ne se limite pas à la description et fait prendre conscience au lecteur des risques sociaux (notamment pour les caissières) et humains (pour les ateliers de confection au Bangladesh) de cette course à la diminution des coûts.
Ce témoignage restera un souvenir nostalgique quand nos "lieux de promenade" auront disparu au profit des Drive ou autres solutions qui nous cloisonnent encore davantage dans la solitude. La vieille dame qui profite de vous demander d’attraper un article en hauteur pour lier conversation aura alors perdu une occasion de discuter.
des chiffres et des lettres...
Ce petit livre m'a fait passer un très agréable moment, suscitant émotions et réflexions qui perdurèrent au-delà de son temps de lecture, à tel point que je ne fais plus mes courses tout à fait de la même façon : l'on peut même m'y voir sourire, désormais, tandis que j'esquisse un clin d'oeil mental à Annie. Cette auteure ne m'a jamais totalement emballée, mais toujours quelque peu charmée...Elle me convainc ici, totalement, dans sa démarche et son écriture : une grande sociologie du quotidien est née avec cette collection constante dans sa qualité.