Elle aurait pu faire des études, elle en avait les capacités. Mais Mei n’est qu’une fille et c’est son frère qui a eu le droit d’aller à l’université pendant qu’elle n’a eu d’autre choix que de quitter les siens pour rejoindre la grande ville et travailler dans une usine. Désormais sa vie se cantonne en ce lieu. Elle y travaille tout le jour, parfois même la nuit, elle y mange, elle y dort. Mais derrière sa machine ou sur la couchette de la chambre commune, Mei rêve d’une autre vie… Le temps d’une parenthèse enchantée, elle va toucher du bout des doigts le goût
du bonheur.
« Est-ce qu’il leur arrive de penser à nous ? »
Quand ils commandent 1500 vestes à livrer en trois jours, les clients allemands, anglais ou français, pensent-ils la petite paysanne de 17 ans qui sue sang et eau pour respecter les délais, là-bas, très loin, en Chine ?
Cadences infernales, salaires de misère, contremaîtres tyranniques, punitions, injustices…Mei accepte ces conditions de travail proches de l’esclavagisme mais dans sa tête elle se rebelle, elle imagine une autre vie. Un homme va l’éveiller à la vie, à l’amour, au plaisir et elle va se donner corps et âme à cet espoir de bonheur. Enorme risque dans une société où les individualités sont balayées au profit de la collectivité…Mei, l’apprendra à ses risques et périls.
Court mais intense, le roman de Sophie Van der Linden est une plongée bouleversante dans la vie d’une adolescente sensible et romantique qui va payer au prix fort son désir d’évasion. Un texte d’une grande beauté, à l’écriture finement ciselée, qui interroge sur une réalité à laquelle on s’efforce de ne pas penser et laisse une trace indélébile dans le cœur et la conscience.
Révélation
Un court roman (91 pages) qui nous plonge dans la vie d'une adolescente chinoise d'aujourd'hui qui n'a d'autre choix que celui de travailler de l'aube jusqu'à la nuit dans une usine de textile, une fabrique de vêtements pour nous les occidentaux... Les conditions de travail et de vie -puisque les jeunes ouvrières vivent et dorment sur place- sont terribles. Mei, "petite abeille laborieuse, prise au piège de sa ruche - enfermée là pour une éternité" va pourtant y vivre une parenthèse heureuse et... interdite. Le travail d'écriture réalisé par l'auteure mérite qu'on s'y attarde tant elle sait par la construction de ses phrases faire ressentir tantôt les conditions horribles, les cadences infernales de ces jeunes esclaves de l'usine, tantôt la sensibilité, l'éveil des sens, la sensualité, puis l'amour chez son héroïne.
Un premier roman qui, pour moi, fait entrer Sophie Van der Linden dans la catégorie "révélation". A suivre de près...