A Pékin, Yu-Ling est la nounou de Dada, six ans, enfant unique et gâté d’un couple de l’élite chinoise. Alors qu’elle s’apprête, avec un complice, à kidnapper le garçon dans l’espoir d’une rançon qui lui permettrait enfin de changer de vie, le grand-père et le père de Dada sont arrêtés pour corruption. Se sachant recherchée, la mère en voyage à Hong Kong ne donne plus signe de vie. Désormais seule avec l’enfant abandonné dans la vaste et riche demeure familiale, la nounou, stoppée net dans sa rébellion et ses velléités d’indépendance, doit composer avec la
nouvelle situation.
Yu Ling est de ces humbles, oeuvrant leur vie durant au service de très riches, pour qui ils demeurent insignifiants et invisibles. Comble de l’ironie, c’est au moment où ses aspirations à une existence plus satisfaisante sont sur le point de lui faire franchir la ligne rouge en faisant d’elle une criminelle, que ses employeurs tombent eux-mêmes dans leur course à toujours plus de richesses, comme si l’argent n’appelait qu’à toujours faire tourner plus les têtes. Déjà oublié, en temps ordinaire, aux seuls soins des employés de maison, le fils se retrouve totalement abandonné dans la Bérézina familiale : une aberration pour lui de l’ordre de la nuance, et encore plutôt positive, puisqu’à court terme, rien ne change dans son quotidien, sinon l’allègement de l’étiquette habituellement imposée par sa mère.
Certes gâté et capricieux, l’enfant fait preuve d’une innocence désarmante, et c’est lui qui fait chanceler Yu-Ling dans ses tiraillements personnels. Sous les abords hermétiques et bourrus de cette femme, se cache un coeur tendre, blessé par un passé que quelques allusions permettront peu à peu au lecteur de comprendre. Une exquise délicatesse dans le récit, tout en nuances et en non-dits, accompagne la découverte, l’une par l’autre, de ces deux âmes pures, privées d’affection. Et si ces deux-là ont, à première vue, tout perdu dans la tourmente, ils se sont bien trouvés à l’Hôtel du Cygne, cet asile imaginé chez lui par l’enfant, pour tous ceux comme lui sans amis, à commencer par l’oie sauvée de l’abattoir qu’il prend pour un cygne…
Beaucoup de tendresse vient éclairer cette histoire centrée sur deux personnages que les sordides réalités de la société n’auront au final pas réussi à démolir comme les autres. Un instantané tout en subtilité d’une certaine Chine contemporaine.
L'hôtel du cygne
Cet Hôtel du cygne est tout à fait le genre de bouquin qu’on imagine sortir des fabriques de la maison Zulma et qui sort effectivement des fabriques de la maison Zulma. A la fois malicieux, étonnant, tendre et formidable.
Quand le jeune Dada se retrouve lié à sa nounou suite aux accusations de corruption contre sa famille, c’est tout un petit chamboulement. Alors on adopte un cygne et on le fait dormir dans une tente que l’on rebaptise l’Hôtel du Cygne. Parce que c’est joli, parce que ça fait du réconfort. Parce que cet hôtel est un abri pour ceux qui n’ont pas d’amis.
Une drôle de plongée dans un roman fait de compréhension et d’amour, d’un brin de brigande, d’un carburant social qui nous montre cette Chine du Parti et cette Chine des petites mains. Et, cerise sur le pompon, d’une grosse dose d’originalité.