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Entre la source et l'estuaire, les fleuves sont souvent semés d'écluses, ponctués de lourds vantaux d'acier qui en régulent le flux et dictent la hauteur. Parfois, entre la naissance et la mort, les hommes décident d'ouvrir leur mémoire à double battant pour libérer le flot des mots et lâcher le flux des souvenirs pour n'en être pas submergés. Dans ce roman l'auteur recueille la confession de Lazare, un charpentier du village, devenant, sous le regard complaisant du mari, l'amant fougueux de sa femme, venue des steppes du Kazakhstan.
S'écoule ainsi, au bord d'un fleuve et à bord d'une péniche, dans une narration à la fois orageuse et fluide, un récit surprenant charriant plaisir, perversité et malignité. Ce qui n'est au départ qu'une sorte de marivaudage ludique tourne à la rivalité démente et à la conflagration érotique, qui entraîne le village dans sa trombe. Passé la crue, ce petit monde fluvial retrouve son étiage moral et son cours tranquille, mais le fleuve garde, lui, un goût saumâtre et une saveur amère.
Sous l'invocation de Simenon et de Jean Vigo, se déploient l'histoire et le destin d'un homme, entre chutes et rapides dans un récit magistralement mené.
ENTRE LA SOURCE ET L'ESTUAIRE...
Un jeune homme, accompagné de son paternel, remorque une péniche, en remontant le Rhin. Lors d'un arrêt le long d'un petit village du Doubs, il y croise un homme, Lazarre, son ombre fuyante et boitillante.
Ce roman c'est l'histoire de Lazarre, ses confessions, sa gueule déglinguée des tumultes de l'existence, et du souvenir fiévreux d'une jeune Kazakh, Ouliana, entre les rives ombragées de rumeurs et le murmure des flots.
C'est une histoire de bistrot, une de ces histoires de village chopée au bord de l'eau. Une histoire de désir, d'amour brûlant, invraisemblable, belle et tragique, que l'on raconte à un inconnu, à demi-mots le cul posé sur une péniche, la bouteille de rouge bien entamée à la lueur d'une lune déjà vacillante.
Une histoire de charpente, de traces gravées dans le bois qui nous enserre de ses lourds étaux charnels et des lambeaux qu'elle convoque.
Le long de la rivière.
Entre la source et l'estuaire, c'est les souvenirs d'une vie cabossée de remous qui remonte à la surface comme les carpes que l'on dégote du clapotis des flots.
C'est une histoire de chemins, entremêlée de bruissements, de silences et de mystères et d'une amitié improbable, qui exhale les odeurs du temps et d'une nature scintillante comme elle traverse les parfums contrastés et les drames de l'existence.
Sur cette grande et belle barque, on y pêche, on y picole, on y traverse quelques écluses, des lunes et des matins vibrants. On y regarde en arrière, un peu en avant, parce qu'il le faut bien.
Et le temps d'un arrêt , on y chavire, bringuebalé d'évocations, de sentiments traversés et d'une plume pleine de maîtrise, sensorielle et poétique.
C'est un thriller fluvial, une de ces virées flottantes bourrées de mélancolie charriée au fil de l'eau et trempées à l'encre noire des brisures de la vie, qui font le sel de ce très beau premier roman.