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... Je me suis mis à crier, très fâché : "Tu n'avais pas pensé que tu pouvais ne pas nous tuer ?" Il répondit : "Non, à force de tuer, on avait oublié de vous considérer."
Maintenant, je pense que ce Hutu ne couvait pas la férocité dans le cour. On fuyait sans répit au moindre bruit, on fouinait la terre à plat ventre en quête de manioc, on était bouffé de poux, on mourait coupé à la machette comme des chèvres au marché.
On ressemblait à des animaux, puisqu'on ne ressemblait plus aux humains qu'on était auparavant, et eux, ils avaient pris l'habitude de nous voir comme des animaux. En vérité, ce sont eux qui étaient devenus des animaux. Ils avaient enlevé l'humanité aux Tutsis pour les tuer plus à l'aise, mais ils étaient devenus pires que des animaux de la brousse, parce qu'ils ne savaient plus pourquoi ils tuaient.
Un interahamwe, quand il attrapait une Tutsie enceinte, il commençait par lui percer le ventre à l'aide d'une lame. Même la hyène tachetée n'imagine pas ce genre de vice avec ses canines...
Innocent Rwililiza
Dans ce recueil de témoignages, Jean Hatzfeld nous emmène au Rwanda pour entendre les récits des survivants du génocide. Racontés du point de vue des victimes, à la première personne, des témoignages glaçants de précision, loin de l'émotionnel larmoyant que l'on pourrait imaginer, les narrateurs sont changés profondément pour toujours.
Ces témoignages sont alternés par des chapitres narratifs pendant lesquels le reporter va à la rencontre de chaque témoin, nous décrivant son cadre de vie du moment. Pas de fausse pudeur, pas d'artifice, l'essence de l'horreur dans son expression la plus crue.