Il est des mots dont la graphie semble incarner mystérieusement le sens. Ainsi du beau verbe résister avec ses deux r, ses deux e, ses deux s qui entourent symétriquement son i, comme s'il s'agissait de le préserver, de le garder précieusement en vie. Car résister, c'est d'abord cela : c'est maintenir intacte la flamme fragile, éphémère de l'existence : tenir : survivre. Est-ce à dire qu'on résisterait comme on respire : spontanément, par pur réflexe, et parce que la vie, selon le mot de Bichat, " est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort " . Il est vrai qu'on n'a parfois pas le choix, qu'en certains cas on se bat, en effet, dos au mur. Mais même si l'instinct de conservation nous y pousse, il n'y a plus ici qu'une simple parade vitale. D'abord parce qu'on peut se tromper, on peut se croire, à tort, menacé. Après tout, les imbéciles aussi résistent. Ensuite, la variété des manières de résister est telle qu'elle relève, à l'évidence, d'un libre choix. Enfin et surtout, vient un moment où il ne s'agit plus seulement de défendre sa vie, mais aussi les valeurs sans lesquelles celle-ci n'a plus de sens. Au prix d'un paradoxe alors, puisque cela peut nous conduire à réviser l'ordre des priorités, à remettre en jeu, s'il le faut, notre propre existence... Pour mieux résister à la mort, on est prêt à la rencontrer, à l'épouser...