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Dans un article récemment paru dans El Pais, Alberto Manguel qualifiait Gonçalo M. Tavares comme étant "l'un des plus ambitieux écrivains de ce siècle". Avec son nouveau roman, intitulé Matteo a perdu son emploi, on ne peut qu'adhérer à ce jugement. Chaque personnage que le lecteur rencontre en fin de chapitre est le protagoniste du suivant, tel un domino qui entrainerait le suivant dans sa chute.
Tout commence avec Aaronson, qui a pour habitude de faire son jogging quotidien autour d'un rond-point, et ce dans le même sens giratoire. Lorsqu'un matin il décide de prendre le rond-point à contre-sens, la mort le fauche, écrasé par Ashley qui va alors rencontrer Bauman et ainsi de suite jusqu'à l'apparition de notre héros, le vrai, Matteo, celui qui a perdu son emploi... Le lecteur est introduit dans un univers vertigineux semblable à celui de Lewis Carroll pour être ensuite précipité dans un monde halluciné à la façon d'un William Burroughs.
Les thèmes sont multiples, les personnages apparaissent et disparaissent, les surprises sont toujours détonantes et les ambiguïtés sont reines. Cette réflexion sur le monde contemporain démontre non sans humour que la raison s'arrête où la folie commence, que la vie n'est qu'une succession d'épisodes tragicomiques, et que les lois qui nous régissent sont souvent aussi justes qu'absurdes et ironiques.
Pour Gonçalo M. Tavares, aucun doute possible, le salut viendra du savoir et de la littérature.
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Gonçalo M.Tavares est un écrivain qui aime approfondir l’examen du genre humain avec un goût certain pour la répétition. Les titres des romans de l’écrivain portugais renforce évidemment cette hypothèse : “Monsieur Valéry et la logique”, “Mr Calvino et la promenade”, “Mr Brecht et le succès”… Indubitablement Tavares apprécie les grands écrivains, et il va sans dire que son activité d’épistémologue n’est pas étrangère à son approche littéraire. Son dernier roman “Mattéo a perdu son emploi” constitue, à ce titre, une nouvelle étape dans l’oeuvre de M.Tavares. Il s’agit en effet d’une oeuvre à la fois étrange, ludique et profondément méditative qui suit une méthode tout à fait originale : chaque personnage rencontré à la fin d’un chapitre sera le protagoniste du suivant. Le lecteur va ainsi rencontrer pas moins de 25 personnages dont les destins sont liés de près ou de loin à travers des thématiques très variées.
Tout commence avec Aaronson, le premier personnage qui a pris l’habitude de faire son jogging quotidien autour d’un rond-point entre 7h et 7h30 toujours dans le même sens giratoire. Lorsqu’un matin, il décide de prendre le rond-point dans le sens contraire il est renversé par Ashley qui va alors rencontrer Bauman et ainsi de suite jusqu’à l’apparition de Mattéo qui a perdu son emploi. Le style de Tavares fluide et inspiré entraîne le lecteur dans un univers où la folie et la raison danse dans les bras l’une de l’autre. Il y a quelque chose de profondément britannique dans cette approche littéraire qui nous projette jusqu’aux limites de l’hallucination et du vertige. A noter que le texte est constellé de photos qui sont autant de pauses dans la narration. Enfin Gonçalo M.Tavares associe au récit une passionnante réflexion sur les évolutions de la société contemporaine dans un monde où règne la confusion.
“Mattéo a perdu son emploi” est un roman totalement hors norme, génial et profondément philosophique ; une de ces oeuvres baroques qui redonne à la littérature des vertus cathartiques à travers une succession d’épisodes tragi-comiques qui sont autant de prétextes à aphorismes jubilatoires et méditations lucides.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)