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Que celui qui pourrait écrire un tel livre serait heureux, pensais-je, quel labeur devant lui ! Pour en donner une idée, c'est aux arts les plus élevés et les plus différents qu'il faudrait emprunter des comparaisons ; car cet écrivain, qui d'ailleurs pour chaque caractère en ferait apparaître les faces opposées, pour montrer son volume, devrait préparer son livre minutieusement, avec de perpétuels regroupements de forces, comme une offensive, le supporter comme une fatigue, l'accepter comme une règle, le construire comme une église, le suivre comme un régime, le vaincre comme un obstacle, le conquérir comme une amitié, le suralimenter comme un enfant, le créer comme un monde sans laisser de côté ces mystères qui n'ont probablement leur explication que dans d'autres mondes et dont le pressentiment est ce qui nous émeut le plus dans la vie et dans l'art.
Et dans ces grands livres-là, il y a des parties qui n'ont eu le temps que d'être esquissées et qui ne seront sans doute jamais finies, à cause de l'ampleur même du plan de l'architecte. Combien de grandes cathédrales restent inachevées !
Le temps ne se perd pas
Ne pas avoir lu Proust est une chance : pas de temps à perdre, allez-y. L'avoir lu en est une aussi : retournons-y, il se bonifie à mesure que nous vieillissons!
La bien-nommée "Recherche" se voit offrir une seconde jeunesse, commémorations obligent, officiellement. Officieusement, il existe tant de raisons intimes, si délicieusement intimes, qu'en ce point je préfère me taire et retourner à telle scène désopilante, ou telle autre étrangement familière de la narration, une fleur, un clocher, une femme, un kaléidoscope, un baiser de maman...- tant de raisons de le lire que le narrateur, vous tendant la main, fait entendre sa voix.