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Médecin, historien, écrivain, diplomate et membre de l’Académie française, Jean-Christophe Rufin est un auteur qui aime varier les genres, les histoires, les angles d’attaque de ses romans.
Ici, il nous propose un huis clos entre deux hommes, deux soldats, et un chien, sous la chaleur étouffante de l’été du Berry. Le chien porte un collier rouge mais le titre renvoie aussi à la légion d’honneur qu’a reçue Morlac, accusé d’un acte grave et emprisonné.
Situant l’action de son roman en 1919, à l’heure où s’achèvent les derniers procès jugeant les soldats ayant
commis un outrage à la Nation, il éclaire sous un autre angle, par l’intermédiaire des interrogatoires, ce qui a constitué la Grande Guerre et notamment l’expédition de Salonique dans toute son ambiguïté. La petite histoire éclaire la grande donnant un visage humain au conflit.
Dès les premières pages, nous sommes plongés dans un suspens psychologique d’une grande efficacité où deux personnages vont s’affronter. Deux mondes intérieurs, deux personnalités opposées, transformées par la guerre, vont se confronter. L’intimité de ceux qui y ont participé est ici révélée. La guerre n’est pas seulement une toile de fond mais elle est aussi actrice par ce qu’elle est capable de réaliser sur les hommes, par son influence sur leur conscience.
Ce roman de 150 pages n’est pas un récit léger. Chaque intervention, chaque détail, chaque remarque des protagonistes ou leur ressenti participent à l’élaboration de l’intrigue. La construction du roman est d’une précision fantastique. La relation de la rencontre de ces deux hommes que tout sépare nous montre peu à peu comment elle va leur permettre de se retrouver eux-mêmes.
Personnage à part entière, le chien apporte tendresse et humour à ce sombre huis clos. Il personnalise également la part animale qui sommeille en chacun de nous et la fidélité indéfectible dont seules les bêtes sont capables.
D’une écriture simple au style épuré, ce roman magnifique dénonce une nouvelle fois l’horreur et l’absurdité de la guerre tout en mettant en exergue ce qu’il y a de meilleur en l’homme.
Pour appréhender ce récit, il faut se mettre d’emblée dans la peau de l’auteur et de sa quête. Sinon, on risque de se perdre dans le dédale de ses pensées et de ses allers-retours dans l’œuvre de Cendrars.
Il faut aussi savoir que la collection « L’un et l’autre » de Gallimard proposent des œuvres qui dévoilent «les vies des autres telles que la mémoire des uns les invente».
Passionnée par l’écrivain et son œuvre, ayant lu dans sa jeunesse « Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France » Gisèle Bienne va à la rencontre de Cendrars, sur les champs
de bataille de la Première Guerre mondiale. Partie de Reims (où elle demeure), elle prend la route de la Marne puis de l’Argonne. Elle arrive au lieu-dit ferme de Navarin, ne trouvant qu’une pancarte rouillée indiquant « Ici fut la ferme de Navarin ».
Pourquoi ce voyage ? Pourquoi ce lieu ?
Engagé dans la Légion étrangère, Blaise Cendrars a participé à la bataille de la Somme puis à l’offensive de Champagne où, le 28 septembre 2015, au nord de la ferme de Navarin, il perd la main droite au combat. Amputé jusqu’au coude, sa vie changera inexorablement.
Petite-fille de poilus, ayant grandi avec les poèmes et les récits de voyage de Blaise Cendrars, elle accomplit un pèlerinage sur les lieux mêmes de son accident, à la recherche de cette main perdue, en quelque sorte.
Son récit empreint de poésie raconte son amour de l’auteur, son influence sur sa vie, ses propres écrits. Il décrit les régions traversées, les lieux à la géographie à jamais modifiée par le conflit, les ossuaires ne rassemblant qu’une petite partie des ossements réellement laissés dans ces innommables boucheries, ces vies perdues...
Elle relate aussi sa rencontre avec un passionné, Yves Gibeau, qui a recueilli avec soin tout ce qu’il a trouvé sur ces terres, dans ces champs. Tout ce que la nature a rendu au fil du temps.
Elle évoque la mémoire de tous les écrivains qui ont participé à ce conflit, y laissant tous une partie d’eux-mêmes, de leur jeunesse, sinon la vie. Hommage leur soit rendu : Apollinaire, Aragon, Alain-Fournier, Bernanos, Bousquet, Genevoix, Giono, Péguy...
Un récit unique, poétique et fort. Un hommage à ces soldats, anonymes ou non. Une occasion de (re)découvrir Blaise Cendrars.
Un récit concis et dur
Dans son premier roman, Laurent Gaudé nous plonge dès les premières lignes dans l’horreur des tranchées. Donnant tour à tour la parole aux protagonistes, il nous livre des instantanés plus vrais que nature.
Ce livre est composé de cinq chapitres qui débutent et se clôturent par une intervention de Jules, permissionnaire s’éloignant des combats. Si son corps quitte les tranchées, son esprit est aux côtés de ses camarades. Il ressasse ce qu’il a vécu et ne parvient pas à profiter pleinement de cette permission tant attendue. Pourtant ces passages sont comme une bouffée d’air dans la puanteur du front.
Le choix des narrateurs internes et de leurs monologues intérieurs fait penser aux récits de Poilus, lettres ou romans comme « Les croix de bois » de Dorgèles ou « A l’ouest rien de nouveau » d’Erich Maria Remarque. Mais Laurent Gaudé est trop jeune pour avoir connu cette guerre.
Ce n’est pas un récit historique non plus car l’action ne s’inscrit ni dans le temps ni dans l’espace. Nous sommes juste dans les tranchées, du côté français. Il s’agit donc bien d’un récit fictionnel.
Laurent Gaudé nous convie à entendre les cris des blessés, des gazés, ceux des soldats pris dans la tourmente des combats ou hurlant dans leurs cauchemars. Il restitue l’atmosphère, la peur, le froid, la faim, la barbarie et la solidarité ; il se concentre sur les émotions ressenties, vécues et parsème son récit de réflexions sur l’absurdité de cette guerre et de la boucherie que ce fut.
La figure principale de ce spectacle sanglant est sans conteste « l’homme-cochon », personnage mythologique, métaphore des craintes de ces hommes (folie, bestialité, barbarie) ou comme le dit l’un des soldats : « Je crois que c'est la terre qui hurle par cet homme .Je crois qu'il est la bouche hurlante du front qui gémit de toutes les plaies profondes que l'homme lui fait. »
Je retiendrai de ce court roman la concision implacable avec laquelle il nous plonge au cœur de la terreur, cette peur vissée au ventre de chacun, dans un combat où l’homme n’est finalement qu’une marionnette.