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À découvrir
Eichmann à Buenos-Aires est un livre très intéressant à parcourir. le personnage de Ricardo Klement, autour duquel est évidemment centré l'intrigue, y est très finement saisi. Ariel Magnus parvient à éviter le double écueil de le représenter comme un monstre abominable ou bien comme le simple exécutant mécanique des consignes s'étant retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Eichmann apparait comme relativement anonyme et médiocre, mais capable de développer un mélange de cynisme, de mauvaise foi et d'aveuglement pour tenter de justifier ses actions passées. Il apparait comme un homme doté d'une morale à géométrie variable et à ce titre va mettre relativement mal à l'aise le lecteur à certains moments. Il apparait d'ailleurs totalement sidérant qu'un tel personnage ait pu vivre au vu et au su de tous sans être inquiété, indépendamment des régimes politiques qui ont pu se succéder en Argentine. le livre nous aide ainsi à mieux saisir comment des individus parviennent à se reconstruire en essayant de faire abstraction des évènements dramatiques de leur passé. Une quête malheureusement (ou heureusement, pourrait-on être tentés de penser dans le cas d'Eichmann) vaine.
« Nos étoiles les plus filantes » est un superbe roman qui immerge totalement le lecteur dans tout le processus de création du film. Il en suit les étapes successives au travers des regards de ses différents protagonistes : comédiens mais aussi musiciens ainsi que tous ceux qui ont pu graviter, de près ou de loin autour du tournage. La multiplication des points de vue ne nuit pas du tout à l'intrigue, bien au contraire. En effet, Estelle-Sarah Bulle parvient parfaitement à faire exister chaque personnage. Ainsi, le lecteur va découvrir le parcours de chacun mais également ses sentiments
ainsi que ses attentes liées au film. L'ensemble sonne particulièrement juste et parvient à l'emporter avec lui. le livre illustre tout un pan de l'histoire du Brésil avec sa parenthèse démocratique et son désir de construction d'une nation menacée par l'influence néfaste et grandissante des militaires et des pressions extérieures. En parallèle, le lecteur assiste à la naissance et l'essor de la Bossa Nova mais également sa récupération commerciale par les Etats-Unis. Mais surtout en filigrane transparaissent le racisme et la ségrégation, présents dans toutes les sphères. Ainsi les autorités brésiliennes sont plus soucieuses de renvoyer une image de carte postale du pays, quitte pour cela à tenter de gommer la présence des favelas et des populations qui les habitent. La situation n'est pas meilleure dans le cinéma, aussi bien français qu'américain, où être une femme noire semble condamner votre carrière à se heurter à un plafond de verre. Car comme le dit le journaliste François Chalais à l'actrice principale, métis, du film : « Évidemment, vous ne pourrez jamais interpréter la Dame aux Camélias ».
Pour tous ses protagonistes, le film a constitué une sorte de parenthèse dans une période de bouillonnement artistique tant du point de vue cinématographique que musical. Et leurs espoirs d'ascension ne dépasseront pas, face aux réalités sociologiques et politiques de leur époque, le stade des étoiles filantes figurant au titre du livre. Un livre à ne pas rater lors de cette rentrée littéraire.
De la difficulté de se (re)construire !
Comme son titre l'indique, le livre nous propose trois histoires successives enchâssées dans une même trame narrative. « le dernier tournant » nous fait suivre le parcours d'un ancien acteur de seconde zone et ancien collaborationniste qui tente de reconstruire sa vie en exil en Argentine à la fin de la seconde guerre mondiale. « Gambit argentin » nous emmène à la même époque dans l'univers des échecs, où les réfugiés juifs ayant fui l'Europe se retrouvent à devoir côtoyer leurs anciens tortionnaires. Enfin, « La visite », nous met aux prises avec un ancien tortionnaire tenu pour mort à la chute de la junte militaire, mais traqué pour les exactions qu'il a pu commettre.
Malgré la juxtaposition de ces trois intrigues successives, le roman constitue un ensemble très cohérent et bien construit qui parvient à entraîner avec lui le lecteur. Il aborde de manière très fine l'exil et les difficultés qu'il provoque pour reconstruire sa vie. Même si dans la plupart des cas évoqués dans ce triptyque, il répond à une exigence de survie, il est vécu comme un véritable déracinement et ne laisse jamais complètement indemnes ceux qui y sont contraints. Jordi Bonells nous fait découvrir un Argentine terre d'accueil au sein de laquelle ont pu trouver refuge sans trop de distinction victimes et bourreaux. Cette situation chaotique s'explique notamment par la situation politique argentine, marquée par coups d'Etats, répression et instabilité, qui ont conduit au besoin de « recycler » certains des bourreaux qui pourraient bien rendre des services. Cela aboutit à une société où les personnalités s'estompent et où on l'on ne retrouve plus, comme sur un échiquier, les noirs d'un côté et les blancs de l'autre. Les pions se confondent au gré des vengeances et des changements politiques dans une teinte de niveaux de gris. Certains recherchent l'oubli, la distance ou même la disparation, les autres la vengeance et une certaine forme de justice.
Un livre très profond qui nous questionne sur le devenir des hommes et leur faculté de se (re)construire pour faire face aux hasards et aux caprices du destin.