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Encore une critique qui recommande chaleureusement cet inédit de Debastian aux Editions Mercure de France ! A lire absolument :
"Le Mercure de France publie des textes de qualité certaine. Voici la dernière oeuvre encore inédite de Mihaïl Sebastian que l'on ne présente plus. Il fallait donner aux lecteurs de ses textes connus et à ceux qui ne le connaissaient pas encore un roman d'une grande finesse psychologique à l'intrigue étonnante. C'est fait, dans une traduction dont on sent qu'elle a su restituer avec une délicate fidélité toutes les nuances. Lorsqu'on lit un texte étranger
dans une langue aussi fluide et souple on est assuré de la qualité de l'original.
Félicitations à la traductrice. A lire passionnément" On n'y manquera évidemment pas !
Critique très juste et alléchante lue sur un site bibliophile.
Nous avons reçu le service de presse des éditions Mercure de France. Notre impatience à découvrir le dernier texte inédit en français de Mihaïl Sebastian a été récompensée par une traduction de toute beauté qui épouse parfaitement le style de l'original. Voilà une initiative digne de cette maison d'édition dont le renom n'est évidemment pas usurpé. Son attention vigilante aux textes étrangers de grande qualité s'est ici orientée avec intelligence vers un auteur encore insuffisamment connu et en tout état de
cause insuffisamment servi par des traductions hâtives et peu inspirées. C'est malheureusement le lot commun des langues dites rares, le risque de l'amateurisme traductif ou du professionnalisme kilométrique. Avec cette "Ville aux acacias" la saveur de cet auteur est enfin sublimée par une version française sans faille. Félicitations aux éditrices et à la traductrice. A lire au plus vite pour un plaisir pur.
Sebastian Mihaïl
Un extrait de cette traduction savoureuse qui donne à cet auteur sa véritable dimension dans une version parfaite:
Adriana avait ouvert la petite porte du poêle et le crépitement du feu couvrit tous les bruits.
Les flammes montaient, joyeuses. Adriana les regardait longuement, habituée à leur jeu : elle savait distinguer toute une suite d’images dans les braises comme on lit parfois des visages ou des allégories dans les nuages. Elle y voyait des étalons qui s’élançaient en agitant leur crinière d’or en fusion, des écroulements d’édifices incandescents, des allégories métalliques, fluides. La fumée des cigarettes bleuissait dans leur éclat puissant.
Plus tard, elle se leva, fit quelques pas hésitants dans la pièce, revint près du poêle en s’appuyant au mur, passa un bras derrière sa nuque. Sous la robe, la ligne de ses hanches s’arrondissait, ferme.
- Éteins la lumière, Gélou.
La flamme du poêle se projetait maintenant de toute sa lueur, partageant la chambre en deux : d’un côté une obscurité totale, de l’autre une lumière de brusque flambée. Adriana se blottit dans un coin près du lit.
Gélou ne bougea pas, le visage tourné vers les flammes, paisible comme on l’est à un carrefour inévitable de sa vie. Il savait que tout se passerait simplement et attendait. Il entendait Adriana se déshabiller doucement derrière lui, avec des gestes ralentis, de longues pauses, très calme et il était sûr qu’elle pensait à autre chose, au temps qu’il faisait dehors, au feu dans le poêle, tant ce qu’elle faisait lui semblait naturel. Elle roulait ses bas sur ses jambes et le bruit de ce glissement qui avait donné des frissons à Gélou chaque fois qu’il l’avait entendu dans d’autres circonstances, avec des femmes d’une nuit, des cocottes ou des midinettes, avait eu alors pour lui une beauté dénuée de sensualité.
Adriana s’agitait pour se glisser dans les draps et lorsque ce fut fait, elle resta sans bouger, les yeux grands ouverts dans l’obscurité, à l’attendre. Quand elle le sentit près d’elle, elle se lova autour de son corps, sans rien dire. Elle ne cherchait que sa bouche, pour le reconnaître. Car par ailleurs ce corps d’homme lui était inconnu, trop bien charpenté, trop dur, comme soudé d’une seule pièce aux omoplates, tranquille, maître de ses réflexes. Le sien était peureux, tremblant et s’enroulait autour de lui avec des tâtonnements de plante. Elle aurait voulu rester immobile, la tête sur son épaule nue, vibrant de la quiétude de ce corps, intimidée par sa puissance maîtrisée, heureuse de se sentir petite, fragile, périssable à ses côtés. Mais elle sentait ses yeux briller dans le noir et avait peur. Avec une ruse féminine, instinctive, elle promenait sa main sur sa poitrine et la caressait craintivement, comme si elle voulait le flatter et l’amadouer.
Il l’avait prise une ou deux fois dans ses bras, la couvrant de son haleine brûlante. Il entendait très fort battre son sang à grands coups. Elle murmurait indistinctement des suites de voyelles sourdes comme une incantation magique et sa voix brisée était puérile, demandait un sursis, encore un… Il y avait comme une imploration dans ses caresses timides, une manière gauche de chercher la volupté en la retardant.
Elle suivait avec ses lèvres, en un long baiser humide, le contour de ses épaules, la ligne de son cou jusque sur sa poitrine, elle le découvrait attentivement avec sa bouche, ses doigts fins, ses petits seins et lorsqu’elle sentait le corps de l’homme se retirer comme en lui-même, secoué par un cri qu’elle ne savait pas comment arrêter, elle se réfugiait, effrayée, dans un coin de ce vaste lit, la main sur la bouche pour ne pas hurler, terrifiée comme a dû l’être, dans le conte, l’apprenti sorcier quand il s’est aperçu qu’il avait oublié le mot magique capable de ramener au calme les eaux déchaînées.
Puis le jeu reprit, hésitant, périlleux, évitant le dénouement lorsqu’il semblait inévitable, le poursuivant lorsqu’il s’éloignait.
À l’aube, épuisée, Adriana se rendit.