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Solenn n'a pas encore complété son profil
« Dans le parc, il était le seul salaryman. Dans le parc j’étais le seul hikikomori. Quelque chose clochait en nous. Lui aurait du être dans son bureau, dans l’un des grands immeubles; et moi j’aurais du être dans ma chambre, assis entre mes quatre murs. Nous n’aurions pas du nous trouver ici, ou du moins faire comme si c’était notre place ».
Deux hommes que tout oppose se retrouvent chaque jour dans un parc. L’un a une cinquantaine d’années, est marié, déguste chaque jour le bentô préparé par sa femme, à qui il n’ose pas avouer qu’il a perdu son emploi. L’autre
a une vingtaine d’années et est un hikikomori, selon un terme japonais qui désigne ces jeunes gens qui se sentent incapables d’affronter la société et s’enferment pendant des mois, des années dans leur chambre en refusant toute communication avec leur famille. Ces deux hommes sont ils ceux qu’ils paraissent être, des personnages que l'on peut ranger aussi facilement dans des cases? Chacun d’eux va confier à l’autre l’essentiel, ce qui fait qu’il en est là aujourd’hui. Le plus âgé se raccroche désespérément à la promesse d’un quotidien bien rangé qu’il a fait à sa femme il y a bien longtemps, une promesse qui leur a permis de survivre à une terrible épreuve. Le plus jeune a été traumatisé par le suicide de deux amis dont il se sent responsable.
Ce n’est pas un livre qui m’attirait particulièrement, je l’ai commencé sans beaucoup d’enthousiasme et j’ai d’ailleurs trouvé les premières pages un peu ennuyeuses. Et puis subitement ce texte extrêmement bien écrit a su me toucher bien plus que je ne l'aurais cru. Quand ces deux hommes ont commencé à se confier l’un à l’autre, j’ai été émue, bouleversée par leurs histoires respectives. C’est un livre très court (164 pages) mais d’une intensité et d’une délicatesse rare.
L’idée de départ est originale, même si j’espère qu’utiliser des personnages publics ne va devenir la nouvelle mode chez les romanciers (puisqu’il y a déjà eu récemment l’affaire Grégoire Delacourt/Scarlett Johansson. Pas sûr que le tennisman apprécie d’être ainsi mis en scène (dans des passages parfois très intimes) même si l’éditeur a pris les devants en changeant au dernier moment le titre du livre, « le fils de John McEnroe » en « Le tennis est un sport romantique ».
Grandir sans père est un thème plutôt classique, que l’auteur parvient ici à renouveler.
Le 10 juin 1984, devant le match McEnroe/Lendl, Juliette affirme à son fils que John McEnroe est son père. Dés lors tous les deux vont s’attacher à cette affirmation, sans qu’on sache jamais si elle tient du fantasme ou de la réalité. Mère célibataire sans ressources, ne s’en sortant que grâce à l’aide de ses parents, Juliette va plonger dans la dépression, se raccrochant sans cesse à cette lointaine étreinte pendant laquelle a été conçue son fils, alors qu’elle était jeune fille au pair aux Etats-Unis. Julien lui va s’efforcer d’être un digne héritier de ce père désigné et idéalisé en se mettant au tennis, il n’est pas vraiment doué mais c’est un travailleur, un laborieux. Tous deux vont désormais vivre au rythme des matchs de McEnroe, de ses victoires et de ses défaites, de ses coups de colères, de son apparition dans les magazines, des soubresauts de sa fin de carrière.
Entre une mère démissionnaire et un père fantôme, la solitude de ce petit garçon est forcément touchante, mais j’ai eu du mal à éprouver de la sympathie pour les personnages de ce roman. J’ai trouvé que l’écriture avait quelque chose de froid et de mécanique qui maintenait le lecteur à distance. Et puis si l’idée de base est séduisante, j’ai trouvé qu’ensuite ce roman tournait un peu en rond, et j’ai finalement eu du mal à aller au bout de ma lecture.
Un exercice de style
L’idée était belle et ambitieuse, suivre la vie d’une femme uniquement à travers les messages de son corps, à travers ses sensations physiques. Il y a tant à dire, trop sans doute : Les maladies, la fièvre et les injections, la fontanelle de son petit frère fraîchement né qui la dégoûte, le corps de son père aperçu dans la salle de bains, les règles, l’hostie pendant la messe, les gauloises que fumait son père dans la voiture, les gestes déplacés du médecin de famille, le premier baiser, le corps qui se modifie, son dégoût pour le boudin, etc…
Malheureusement on est plus ici dans l’exercice de style que dans le roman. C’est surtout l’écriture qui m’a gênée, des paragraphes très courts qui empêchent le lecteur de se laisser emporter, des anecdotes tronquées qui s’enchaînent sans transition, des bouts de ci, des bouts de ça collés ensemble, un style descriptif qui atteint vite ses limites. Le tout manque trop de fluidité pour que je puisse éprouver un quelconque plaisir à parcourir ce livre.
Et puis si l’on oublie le point de vue corporel, le fond de l'histoire n’a pas beaucoup d’intérêt, c’est le parcours assez banal d’une jeune femme, qui se veut sans doute universel mais que j'ai trouvé bien plat et qui ne m’a pas particulièrement touchée. C’est finalement un livre qui à trop se focaliser sur l'expérience de la chair en a éjecté toute trace d’émotion. J’ai jeté l’éponge au bout de la centième page, incapable d’aller au bout de cette lecture particulièrement indigeste.