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Indubitablement, Yamen Manai est un grand conteur. Avec son nouveau roman L’amas ardent, il brosse un portrait de notre époque en empruntant le ton du conte et rejoint, en phrases d’une simplicité poétique bouleversante, l’étoffe des mythes. Au départ, il y a Don, l’apiculteur, qui vit en ascète auprès de ses « filles », les abeilles. Harmonie du sage avec la nature. Les insectes butineurs ne le piquent pas et il sait mêler sauvages et domestiquées pour les protéger des maladies et leur donner la capacité de se défendre contre les prédateurs. Mais ombre au paradis, élément
déclencheur dramatique, il trouve une de ses ruches jonchée des corps déchiquetés de trente mille de ses abeilles. L’intrigue construite comme un polar mènera à la découverte des agresseurs, les frelons asiatiques. Comment lutter ? Parallèlement, l’on voit son village, Nawa, être en proie aux sirènes de religieux fanatiques qui apportent nourriture, vêtements, argent, confort, mais aussi leurs ombres tragiques, dont les frelons, égarés dans leurs bagages. Le récit, orchestré en six mouvements, est mené avec une aisance rare, haletant, jouant des ruptures, des juxtapositions, permet de composer tout un monde, complexe, aux ramifications étonnantes qui nous mènent jusqu’au Japon. Se tissent en une architecture souple et rigoureusement construite, les fils multiples qui nourrissent l’intrigue. La situation internationale et intérieure de la Tunisie est évoquée sans concession, soulignant à quel point le moindre coin de la planète, même le plus tranquille, est sujet malgré lui aux bouleversements voulus par les puissants. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une page qui met en scène un certain politicien véreux italien, Silvio, en croisière vers Sidi Bou avec un prince du royaume du Qafar… Négociations, bonus d’un joueur de foot… Et dans les cales, des caisses au contenu mystérieux… « De tout temps, les cadeaux des princes sont empoisonnés ». Le conte s’achève en fable emplie d’une vigilante espérance. Une pépite de lecture !
MARYVONNE COLOMBANI
Commentaire par Coeurdechene07
★★★★★
★★★★★
Pour faire une bonne histoire, il ne faut rien de plus qu'un excellent rhum, une petite ville qui n'existe pas, un président-dictateur impitoyable, des cochons, un jeune agronome ambitieux et les sérénades d'Ibrahim Santos.
Santa Clara est une petite ville qui n'est répertoriée sur aucune carte. Et c'est bien là que commence le drame.
Car si le dictateur Alvaro Benitez n'avait pas goûté son rhum exceptionnel, il n'aurait jamais voulu savoir où il était produit.
Dans ce cas, il n'aurait jamais cherché la ville sur
la carte de son pays. Ni vu qu'elle n'existait pas. Il n'aurait alors pas envoyé son premier ministre de frère en ambassade là-bas et certainement pas décidé de "moderniser" la culture des cannes pour faire encore plus de rhum. Tous les cochons du maire seraient encore vivants et Ibrahim Santos pourrait alors continuer à prédire la météo en jouant ses célèbres sérénades.
Si...
L'histoire des habitants de Santa Clara se déroule comme un conte, avec un brin de magie et de la poésie dans l'écriture qui fait que lorsque la dernière page est tournée, on relève la tête un peu hébété, les yeux encore dans le vague, comme au sortir d'un rêve fantastique.
Yamen Manai, jeune auteur français d'origine tunisienne, à l'art de brosser le portrait de ses personnages et de leur donner corps. Dès la première page, on plonge dans l'histoire à pieds joints comme Alice dans le terrier du Lapin. La suite n'est qu'une histoire. Mais elle pourrait tout aussi bien être réelle tellement tout est crédible. du goût du rhum qui jamais ne manque jusqu'aux ors des instruments de musique de l'orchestre de Santa Clara. Et jusqu'au drame qui s'y déroule, qui est malheureusement bien trop vrai dans sa description.
Mais avant d'arriver au drame, c'est une véritable galerie de personnages burlesques qui défile, entre le maire ubuesque, la gitane qui lit dans le marc de café, le barbier et le Vieux... et Ibrahim Santos lui-même, musicien émérite, chef de l'orchestre local et monsieur météo. Tout y a sa place et on ne boude vraiment pas son plaisir. D'autant que certains ont droit à une légitimité tout historique avec petit rappel des faits à l'appui. Y a pas à dire, c'est de la belle ouvrage.
Si l'histoire est simple et réaliste, elle n'en amène pas moins une réflexion profonde sur la nature humaine (relations entre les hommes) et la nature tout court. La couverture du roman est très claire et la maison d'édition tunisienne affirme haut et fort sa position : "A tous les dictateurs du monde, regardez donc défiler les heures à vos montres d'or et de diamants. Les peuples vous arracheront leurs rêves, les peuples sonneront votre glas."
Yamen Manai le répète dans sa préface, en donnant le contexte de l'écriture de ce court roman. C'est un engagement fort, pris publiquement, que de défier la tête haute toute forme d'abus de pouvoir. Et aux coups de fusil, Ibrahim Santos répond par des chansons.
Quant à la nature, la tournure prise par les événements dans le roman m'a remis en tête une chanson du groupe Esthésie qui tournait comme une ritournelle tout au long de ma lecture : "L'homme et la nature / La nature et l'homme / La nature aime l'homme / Mais l'homme hait la nature / L'homme est de nature / A tout dénaturer / La nature nourrit notre faible nature".
Ces quelques vers sont une parfaite illustration de ce qui se passe dans le roman, et dans notre réalité...
La plume de l'auteur est extrêmement agréable. le paragraphe court, les éléments précis. On sent un plaisir d'écrire et une volonté de partager une vision, un sentiment qui se propage au lecteur par le souffle épique de la fin du récit. Les mots sont simples et parlent directement, comme une musique qui vous effleurerait l'âme. Entre rêve et réalité, on se laisse bercer par l'ambiance villageoise bon-enfant, un peu gauloise, où finalement il a l'air de faire bon vivre.
Pour faire une bonne histoire, il faut peu de choses, au final : un peu de rhum, des vieux têtus, des cochons pour la révolution, une diseuse de bonne aventure, un orchestre et les sérénades d'Ibrahim Santos.
Un roman à mettre entre toutes les mains.
COMAR d'OR 2009
Une découverte avec ce court roman, l'interaction des personnages, la poésie qui s'en dégage ne peut laisser personne indifférente…Un livre riche en émotion avec une histoire touchante.