Indubitablement, Yamen Manai est un grand conteur. Avec son nouveau roman L’amas ardent, il brosse un portrait de notre époque en empruntant le ton du conte et rejoint, en phrases d’une simplicité poétique bouleversante, l’étoffe des mythes. Au départ, il y a Don, l’apiculteur, qui vit en ascète auprès de ses « filles », les abeilles. Harmonie du sage avec la nature. Les insectes butineurs ne le piquent pas et il sait mêler sauvages et domestiquées pour les protéger des maladies et leur donner la capacité de se défendre contre les prédateurs. Mais ombre au paradis, élément
déclencheur dramatique, il trouve une de ses ruches jonchée des corps déchiquetés de trente mille de ses abeilles. L’intrigue construite comme un polar mènera à la découverte des agresseurs, les frelons asiatiques. Comment lutter ? Parallèlement, l’on voit son village, Nawa, être en proie aux sirènes de religieux fanatiques qui apportent nourriture, vêtements, argent, confort, mais aussi leurs ombres tragiques, dont les frelons, égarés dans leurs bagages. Le récit, orchestré en six mouvements, est mené avec une aisance rare, haletant, jouant des ruptures, des juxtapositions, permet de composer tout un monde, complexe, aux ramifications étonnantes qui nous mènent jusqu’au Japon. Se tissent en une architecture souple et rigoureusement construite, les fils multiples qui nourrissent l’intrigue. La situation internationale et intérieure de la Tunisie est évoquée sans concession, soulignant à quel point le moindre coin de la planète, même le plus tranquille, est sujet malgré lui aux bouleversements voulus par les puissants. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une page qui met en scène un certain politicien véreux italien, Silvio, en croisière vers Sidi Bou avec un prince du royaume du Qafar… Négociations, bonus d’un joueur de foot… Et dans les cales, des caisses au contenu mystérieux… « De tout temps, les cadeaux des princes sont empoisonnés ». Le conte s’achève en fable emplie d’une vigilante espérance. Une pépite de lecture !
MARYVONNE COLOMBANI
Lauréat du COMAR d'OR 2017
Indubitablement, Yamen Manai est un grand conteur. Avec son nouveau roman L’amas ardent, il brosse un portrait de notre époque en empruntant le ton du conte et rejoint, en phrases d’une simplicité poétique bouleversante, l’étoffe des mythes. Au départ, il y a Don, l’apiculteur, qui vit en ascète auprès de ses « filles », les abeilles. Harmonie du sage avec la nature. Les insectes butineurs ne le piquent pas et il sait mêler sauvages et domestiquées pour les protéger des maladies et leur donner la capacité de se défendre contre les prédateurs. Mais ombre au paradis, élément déclencheur dramatique, il trouve une de ses ruches jonchée des corps déchiquetés de trente mille de ses abeilles. L’intrigue construite comme un polar mènera à la découverte des agresseurs, les frelons asiatiques. Comment lutter ? Parallèlement, l’on voit son village, Nawa, être en proie aux sirènes de religieux fanatiques qui apportent nourriture, vêtements, argent, confort, mais aussi leurs ombres tragiques, dont les frelons, égarés dans leurs bagages. Le récit, orchestré en six mouvements, est mené avec une aisance rare, haletant, jouant des ruptures, des juxtapositions, permet de composer tout un monde, complexe, aux ramifications étonnantes qui nous mènent jusqu’au Japon. Se tissent en une architecture souple et rigoureusement construite, les fils multiples qui nourrissent l’intrigue. La situation internationale et intérieure de la Tunisie est évoquée sans concession, soulignant à quel point le moindre coin de la planète, même le plus tranquille, est sujet malgré lui aux bouleversements voulus par les puissants. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une page qui met en scène un certain politicien véreux italien, Silvio, en croisière vers Sidi Bou avec un prince du royaume du Qafar… Négociations, bonus d’un joueur de foot… Et dans les cales, des caisses au contenu mystérieux… « De tout temps, les cadeaux des princes sont empoisonnés ». Le conte s’achève en fable emplie d’une vigilante espérance. Une pépite de lecture !
MARYVONNE COLOMBANI