L. Carrand - Hommage 1821-1899

Carrand ne quittait jamais la représentation de scènes simples et paisibles de la campagne parcourue à pied depuis l'aube. Le soir, il travaillait dans son atelier à partir des notations et esquisses amassées dans la journée ; ainsi le soir à la lumière de la chandelle, il transposait sur la toile ou le panneau de bois une somme d'observations justes, à la peinture à l'huile. De fins glacis ou de généreuses touches scintillantes de peinture épaisse indiquaient alors une gelée blanche ou un pâturage boueux.
Souvent des toiles pleines de fraîcheur ou d'humidité furent peintes rapidement, sur le motif ; on devine alors la fine couche préparatoire, en transparence, encore visible sous la subtile épaisseur de la touche. Longtemps il oscillera entre une certaine mollesse, due parfois à la faiblesse du dessin et à la couche picturale très mince, et la hardiesse très convaincante de sa touche lorsqu'il organise bien la composition de son tableau.
Après le temps de la maturité correspondant au plein épanouissement de son art, Carrand maîtrise l'art de la touche rapide et nerveuse, parfois besogneuse, mais expressive et juste. Il réussit à suggérer par son pinceau une atmosphère extrêmement juste : brume, brouillard, orage, hiver, lumière froide ou au contraire chaleur estivale, clarté du jour et rayonnement solaire. Il maîtrise ce que tout peintre cherche à traduire et qui est si difficile : la lumière, tellement immatérielle.
La lumière qui défie le savoir faire et l'impression à la fois. La recherche de Carrand a porté sur toutes les lumières, les brûlantes, les froides, les glacées, les givrées, les argentées, non pour leur signification mais pour leur beauté. En pur désintéressement. Christine Boyer-Thiollier, historienne d'Art