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L'aviation incarne, dès son invention, le rêve cosmopolitique d'une paix perpétuelle entre les nations de la terre, dont le revers n'est autre que le cauchemar d'une puissance meurtrière sans précédent. Puissance qui s'exerce d'abord à l'encontre de populations jugées un peu trop remuantes par les colonisateurs, dans le cadre d'opération de maintien de l'ordre, avant de s'abattre sur les villes européennes et japonaises, durant le second conflit mondial.
Mais surtout, la guerre aérienne brouille définitivement les frontières entre guerre et paix. Ce brouillage constitue un symptôme de la "démocratisation" de la guerre. Car c'est désormais le peuple que l'on prend directement pour cible, le peuple soutien de l'effort de guerre, et le peuple souverain, identifié à l'Etat. Ainsi s'enclenche un mouvement politique qui nous conduit aujourd'hui à une gouvernance mondiale sous hégémonie étatsunienne, définie par une "guerre perpétuelle de basse intensité", qui frappe pour l'instant des régions comme le Yémen ou le Pakistan mais pourrait s'étendre demain à l'ensemble de la population mondiale.
La guerre aérienne croise ainsi les grands thèmes du siècle passé : la nationalisation des sociétés et de la guerre, la démocratie et les totalitarismes, le colonialisme et la décolonisation, le tiers-mondisme et la globalisation, l'Etat social et son déclin face au néolibéralisme. L'histoire des bombardements aériens constitue un point de vue privilégié pour écrire une histoire globale du XXe siècle.
"Le gouvernement du ciel"
Le premier novembre 1911 à l'initiative toute personnelle de Giulio Gavotti, lieutenant dans l'aviation italienne en Lybie, une bombe est lâchée sur un oasis. Sans le savoir, il vient de révolutionner la guerre. Dès lors, avec l'aviation, il devient non seulement possible de frapper les forces armées, mais un système socio-économique tout entier. L'histoire de cette option stratégique agglomérée à d'autres va croiser les grands thèmes de l'histoire du XXème siècle...