En cours de chargement...
Ils sont étendus, le regard perdu. ailleurs, les yeux mi-clos. Ils sont emmitouflés dans des draps, des pulls, ou alors dénudés, abandonnés, sur le point d'aller se coucher. Ils se coiffent, se peignent, se gantent, se voilent, se maquillent. On ne voit Jamais ni dormir, ni travailler aucun d'eux. Ils n'embrassent pas, ne parlent pas, et parfois même, ne mangent pas. Mais leurs lèvres sont peintes, retouchées, comme des pulpes idolâtrées, des constances entrouvertes, offertes.
Ils se masturbent, se blessent, ils attendent quelque chose : une formule ? Sauf qu'ils ne disent rien. Les mots ne sont pour eux ni des moyens, ni des recours. Stephen Dwoskin (1939-2012) est l'auteur de films faits de ruptures, de points d'orgues, de liaisons et de prolongements infinis. Tous ces films investissent et déclinent singulièrement la condition d'handicapé de leur auteur. Cette singularité - unique à ce jour dans l'histoire du cinéma - devait échapper à l'étude classique.
Rochelle Fack a choisi d'opérer un trajet fait d'associations libres en tentant de montrer comment cette condition d'handicapé devint, au fil desfilms, une esthétique. Son cheminement interroge la perception éclatée que l'auteur a de son corps, la volonté d'organiser cet éclatement en récits comme le Journal intime, l'autoportrait ou l'autobiographie. Il s'agit de donner à saisir ce cinéma dont les évolutions graduelles prenantes et les ressassements permanents ouvrent à un espace unique, qui déborde de beaucoup les représentations du handicap, de l'érotisme, ou le champ du cinéma expérimental, auxquels il a été borné.
Un cinéma dérobé à la mort qu'animent des êtres qui se tiennent - tremblants, excédants, exclusifs -, au seuil de la parole et de l'incarnation.