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Afrique du Sud, 2015. Des années durant, Masechaba a souffert de douleurs chroniques liées à l'endométriose. Le sang a forgé son caractère, a fait d'elle une personne solitaire, mais l'a aussi menée vers la médecine. A présent jeune interne, elle s'interroge sur sa capacité à aimer tous ses patients, à leur donner toutes ses forces. De même s'interroge-t-elle sur la capacité de son pays à construire une nouvelle nation, au moment où un racisme inter-africain semble devoir remplacer l'apartheid.
Au final, c'est avec ses doutes, avec ses peurs et avec son sang que la jeune femme saura écrire son histoire, armée d'un courage entêté. J'ai décidé d'arrêter tous mes traitements. Je suis fatiguée. J'ai fini par aimer ce mince filet de sang qui s'écoule de mon corps jour après jour. Il teinte l'eau du bain d'une jolie couleur rose. Je me sens si mal que je suis souvent obligée de m'asseoir pour ne pas m'évanouir.
C'est une sorte de douleur, une sorte de plaisir, une sorte de liberté que j'aime et que le traitement du docteur Phakama a essayé de me dérober. Mais cette sensation est à moi, et elle est agréable, et je la veux.
" Il faut etre fou pour trouver le bonheur dans un endroit pareil"
Masechaba vit sa vie comme coincée dans une impasse : quoiqu'elle fasse ou ne fasse pas, les conséquences se retournent contre elle … Dans un monde dévasté par le culte de la force, elle souffre et demande pourquoi. Sorte de Job au féminin, elle se fait l'echo des impuissances et injustices sans la moindre parcelle d'amour-propre. D'une franchise inouie, ce roman est une bombe qui fait voler en éclats les certitudes morales, les préjugés esthétiques, qui affectent de faire tenir une société dans l'espoir que le Progrès ou Dieu finissent toujours par l'amender.....société en réalité gangrenée par la haine de soi et des autres …. La seule vraie lueur d'espoir n'adviendra donc que par la grace d'une vie innocente et vulnérable : le fruit du viol que Masechaba subit incarnera ainsi la rupture avec la « loi »ancestrale de la transmission de la violence. L'amour qu'elle porte à la petite Mpho brille d'un feu magnifique, celui de la vie sans compromis ni compromission, celui de l'amour inconditionnel, le seul à meme d'ouvrir une breche dans l'horizon bouché : la possibilité d'une mutuelle consolation, prélude indispensable à toute réconciliation possible avec la vie.. ?.
P45 « Je déteste ce lieu. Je ne peux pas y etre heureuse. Tu ne peux pas me demander d'y etre heureuse. Il faut etre fou pour trouver le bonheur dans un endroit pareil. Je ne suis qu'une femme, je ne suis pas un dieu.(..) Pourquoi attends-tu autant de moi ? »
P155 : « Ma a dit que c'est parce que Mpho est comme ces fleurs de la nuit qui éclosent bien après le coucher du soleil, qu 'elle est comme la primevère du soir, avec ses pouvoirs de guérison. Ma sait etre terriblement agaçante, mais elle sait aussi dire les plus jolies choses qui soient. »
Très beau texte que ce troisième roman de la sud-africaine Kopano Matlvva.