« Mishling » signifie littéralement « sang mêlé », « bâtard » et donc, entre autres, dans l’Allemagne nazie : « d’ascendance juive ou partiellement juive ». Parce qu’elles sont « mischling », Pearl et Stasha sont expédiées à Auschwitz, en même temps que leur mère et leur grand-père. Parce qu’elles sont jumelles elles sont, dès leur arrivée, sélectionnées pour intégrer le « Zoo de Mengele ».
Dès l’instant où elles franchissent les portes de l’enfer et sont arrachées à leur mère, tout leur être bascule en mode survie : entre la surface
inconsciente de la vie quotidienne et les profondeurs abyssales de la mort, elles plongent dans un espace où le meilleur d’elle-même va prendre le poste de pilotage.
Et Affinity K. plonge, en totale empathie, avec Stasha et Pearl, tour à tour narratrices. À mesure que le poison s’insinue dans leurs veines, se mêle à leur sang et tente de dévorer leur âme, Affinity K. s’évertue, avec une écriture poétique d’une rare puissance, à faire battre le pouls de la vie. Les pulsations de cette vie immortelle, on les entend battre de plus en plus fort, à mesure que leur espace de survie s’amenuise, jusqu’à ne plus devenir qu’un filet ténu, au milieu du chaos. Mais c’est le battement de ce filet qui se fait entendre, envers et contre tout.
Mischling est une production extra-ordinaire. Hors normes. Un écrit impossible. Car comment écrit-on une fiction dont le cadre est Auschwitch et dont l’un des protagonistes a pour nom Mengele ? Comment peut-on penser à poser une pierre fictionnelle sur le terrible édifice des témoignages de ceux qui ont traversé tant de morts ?
Or Affinity K. ne réécrit pas l’histoire - ce « roman », ultra documenté, s’appuie sur de multiples témoignages, et en tout premier lieu ceux de Miriam Mozes Zeiger et Eva Mozes Ker, jumelles qui ont effectivement survécu à l’innommable Zoo. Mais elle réussit ce prodige : Mot après mot son écriture, traque le poison qui a souillé tant de vies, et rendu tant de sangs « mischling ». En extirpant ce poison du sang de Pearl et Stasha, elle redonne vie aux morts, et dignité aux vivants. Elle rend à leur sang et à leur âme leur pureté d’origine. À Pearl et Stasha, elle offre un statut d’héroïnes. Au « docteur », un statut de figurant.
Affinity Konar est d’ascendance juive polonaise. Elle a seize ans lorsqu’elle lit « Children of the flames », témoignages de jumeaux rescapés d’Auschwitz. Le choc est tel, et l’empathie si profonde, qu’ils provoquent instantanément le germe de « Mischling ». Il faudra pourtant neuf années de maturation avant que ne commence le processus d’écriture - qui, lui-même, nécessitera dix autres années. Une telle profondeur d’écriture n’en exigeait pas moins.
« Mischling » est un chef-d’oeuvre incontournable, d’une maturité exceptionnelle. Un chant de vie et de victoire. Un éblouissant « devoir de mémoire ».
Enfin, il n’est pas inutile de souligner la qualité de la version française, où le traducteur (Patrice Repusseau, qui est aussi poète) semble en symbiose totale avec l’auteur.
Brigitte Bastien-Septfonds
Un des essentiels DU SIÈCLE ! Merveille de poésie et de résilience.
« Mishling » signifie littéralement « sang mêlé », « bâtard » et donc, entre autres, dans l’Allemagne nazie : « d’ascendance juive ou partiellement juive ». Parce qu’elles sont « mischling », Pearl et Stasha sont expédiées à Auschwitz, en même temps que leur mère et leur grand-père. Parce qu’elles sont jumelles elles sont, dès leur arrivée, sélectionnées pour intégrer le « Zoo de Mengele ».
Dès l’instant où elles franchissent les portes de l’enfer et sont arrachées à leur mère, tout leur être bascule en mode survie : entre la surface inconsciente de la vie quotidienne et les profondeurs abyssales de la mort, elles plongent dans un espace où le meilleur d’elle-même va prendre le poste de pilotage.
Et Affinity K. plonge, en totale empathie, avec Stasha et Pearl, tour à tour narratrices. À mesure que le poison s’insinue dans leurs veines, se mêle à leur sang et tente de dévorer leur âme, Affinity K. s’évertue, avec une écriture poétique d’une rare puissance, à faire battre le pouls de la vie. Les pulsations de cette vie immortelle, on les entend battre de plus en plus fort, à mesure que leur espace de survie s’amenuise, jusqu’à ne plus devenir qu’un filet ténu, au milieu du chaos. Mais c’est le battement de ce filet qui se fait entendre, envers et contre tout.
Mischling est une production extra-ordinaire. Hors normes. Un écrit impossible. Car comment écrit-on une fiction dont le cadre est Auschwitch et dont l’un des protagonistes a pour nom Mengele ? Comment peut-on penser à poser une pierre fictionnelle sur le terrible édifice des témoignages de ceux qui ont traversé tant de morts ?
Or Affinity K. ne réécrit pas l’histoire - ce « roman », ultra documenté, s’appuie sur de multiples témoignages, et en tout premier lieu ceux de Miriam Mozes Zeiger et Eva Mozes Ker, jumelles qui ont effectivement survécu à l’innommable Zoo. Mais elle réussit ce prodige : Mot après mot son écriture, traque le poison qui a souillé tant de vies, et rendu tant de sangs « mischling ». En extirpant ce poison du sang de Pearl et Stasha, elle redonne vie aux morts, et dignité aux vivants. Elle rend à leur sang et à leur âme leur pureté d’origine. À Pearl et Stasha, elle offre un statut d’héroïnes. Au « docteur », un statut de figurant.
Affinity Konar est d’ascendance juive polonaise. Elle a seize ans lorsqu’elle lit « Children of the flames », témoignages de jumeaux rescapés d’Auschwitz. Le choc est tel, et l’empathie si profonde, qu’ils provoquent instantanément le germe de « Mischling ». Il faudra pourtant neuf années de maturation avant que ne commence le processus d’écriture - qui, lui-même, nécessitera dix autres années. Une telle profondeur d’écriture n’en exigeait pas moins.
« Mischling » est un chef-d’oeuvre incontournable, d’une maturité exceptionnelle. Un chant de vie et de victoire. Un éblouissant « devoir de mémoire ».
Enfin, il n’est pas inutile de souligner la qualité de la version française, où le traducteur (Patrice Repusseau, qui est aussi poète) semble en symbiose totale avec l’auteur.
Brigitte Bastien-Septfonds