Henry Jacques Le Même (Nantes, 1897 - Megève, 1997) est aujourd'hui connu comme l'un des inventeurs de l'architecture alpine moderne, tant pour avoir renouvelé la conception du sanatorium dans les années vingt et trente que pour ses études et réalisations dans le domaine de l'habitat en montagne. En 1925, après deux années passées dans l'atelier du décorateur parisien Emile-Jacques Ruhlmann, il s'installe à Megève, alors toute jeune station climatique. Vingt-cinq ans plus tard, au seuil d'une époque où les sports d'hiver deviennent de plus en plus accessibles, il en a modifié radicalement le visage, à travers une multitude de chalets, d'hôtels, de restaurants et de bars-dancings, de magasins et de boutiques... Son premier chalet, réalisé pour la baronne Noémie de Rothschild, a immédiatement donné le ton d'une esthétique nouvelle qui prend en compte les caractéristiques des constructions savoyardes traditionnelles et répond à l'attente de confort moderne des skieurs. Abrités sous de grandes toitures, ses chalets captent la lumière et leur simplicité est soulignée par des touches de couleur vive sur les volets, les fenêtres et les portes, les extrémités des poutres de bois. A l'intérieur, les livings spacieux ouvrent sur les vallées et se prolongent par d'enveloppants balcons. Des sols en carreaux de céramique de couleur, aux dessins toujours renouvelés, donnent aux habitants de ces maisons une double sensation de dynamique spatiale et de joie de vivre. Pour sa propre maison édifiée en 1929-1930, Henry Jacques Le Même se sent libre de transgresser ses propres règles et choisit la solution de la toiture-terrasse, tandis que les enduits des façades sont badigeonnés à l'ocre rouge. Une construction qui met en évidence la tension créatrice née du désir d'innovation de l'artiste du XXe siècle confronté à la puissance immuable de la montagne. Paradoxalement, sa maison sera moins perçue à Megève comme un manifeste de la modernité que comme une note exotique dans la forêt des chalets ; comme jadis la pagode chinoise ou le casino mauresque relevaient, ici et là, l'uniformité d'un quartier du XIXe siècle...