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La question "Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?"
mérite davantage que les roulements de tambour de
l'indignation. Il y a quelque inconséquence à promouvoir
l'angélisme des bonnes intentions sans prémunir contre les
monstres de la violence ordinaire, qui n'en feront qu'une
bouchée. Beaucoup vitupèrent la barbarie et l'absurdité
dominantes à défaut de jeter tes bases d'une société enfin
affranchie des rapports marchands et du totalitarisme
financier.
Alors qu'une civilisation, alliant développement
technologique et sous-développement humain, agonise dans la
boue et le sang, de nouvelles valeurs se font jour et se
substituent aux anciennes. J'ai été sensible à ce souffle
nouveau qui stimule, non seulement chez mes enfants et mes
petits-enfants, mais aussi chez un nombre croissant de jeunes
gens – une volonté d'instaurer de véritables valeurs humaines
(solidarité, créativité, générosité, savoir, réinvention de
l'amour, alliance avec ta nature, attrait festif de la vie), en
rupture avec les valeurs patriarcales (autorité, sacrifice, travail,
culpabilité, servilité, clientélisme, contention et défoulement
des émotions), essentiellement axées sur la prédation, l'argent,
le pouvoir et cette séparation d'avec soi d'où procèdent la peur,
la haine et le mépris de l'autre.
A l'abri des médias qui font
métier de l'ignorer, une société vivante se construit
clandestinement sous la barbarie et les ruines du Vieux
Monde. Il n'est pas inutile de montrer de quelle façon elle se
manifeste et comment elle progressera.