En cours de chargement...
Entre Lise et Louis, la rencontre produit des étincelles dignes des romans et des films que la jeune fille, rétive aux renoncements de l'âge adulte, confond parfois avec la vie. Leur histoire - le premier amour - se déroule tel un conte. Mais comme dans un conte, elle est rapidement minée par la petite musique de l'enfance mal aimée, le refrain des rapprochements impossibles, des différences infranchissables.
Et bientôt la nuit des malédictions envahit le rose des rêveries romantiques. Nimbé d'un mystère qui de page en page s'épaissit, Les Inconsolés est une histoire de fantômes et de vengeance, où l'on retrouve le talent délicat et têtu de Minh Tran Huy pour la navigation de l'eau qui dort - dont chacun sait qu'il faudrait s'en méfier. II y a l'élan vers l'amour fou, l'irrésistible faim d'aimer - et d'être aimé, enfin -, les blessures de l'enfance, le poids des origines et les émerveillements de la jeunesse.
Il y a aussi cette manière toute personnelle, à la fois sincère et ironique, de pousser les clichés jusqu'à leur paroxysme, jusqu'à en extraire toute la vérité, en révéler le tranchant, les dangers.
Sur les difficultés du métissage culturel et social
Lise et Louis ont tous deux vingt ans mais sont comme l’ombre et la lumière. Lui, issu de la grande bourgeoisie et promis à un brillant avenir dans la finance, a pour credo l’argent et l’action. Elle, métisse franco-vietnamienne grandie dans un milieu bien plus modeste, est une plante déracinée et meurtrie qui n’aspire qu’à la discrétion, et rêve d’art et de cinéma. Leur rencontre est le prélude à une passion dévorante qui va rapidement tourner au cauchemar : on n’enfreint pas impunément cette loi qui fait que, souvent, les contraires se repoussent.
Loin de la romance insipide et sans cervelle, cette histoire d’amour impossible et tragique possède une vraie singularité qui la fait sortir du lot : construite sous une forme originale et intrigante qui ne s’explique que peu avant le dénouement, elle entremêle les codes du thriller et du conte de fée, multipliant les références au cinéma et aux récits traditionnels, tant occidentaux que vietnamiens. Le résultat est une émouvante et terrible fable, aussi contemporaine qu’intemporelle, sur les difficultés du métissage, qu’il soit culturel ou social.
Touchée par les discrets accents autobiographiques qui parsèment de-ci de-là le texte, j’ai été totalement séduite par cette réflexion juste et sensible, exprimée avec une poésie teintée de cruauté qui m’est allée droit à l’âme. Coup de coeur.