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Frappés par une sombre légende que chaque époque vient enrichir, les trois grands acteurs de la saga Borgia - Alexandre, César et Lucrèce - ne seraient qu'un empoisonneur, un assassin et une débauchée. Exceptionnellement romanesque, l'histoire d'une des plus fascinantes familles de la Renaissance est en réalité bien plus riche et plus nuancée. D'origine catalane, ces "Borja" vont réussir à imposer en trois générations deux papes à la chrétienté : en 1455, Calixte III, grand diplomate obsédé par le danger turc, puis en 1492, Alexandre VI, qui compromet sa fonction dans plusieurs scandales, sans néanmoins oublier sa haute mission : tailler à l'Eglise, par la force, un territoire comparable à ceux des Etats-nations contemporains.
Son fils César, hidalgo flamboyant un moment égaré dans l'Eglise, lui en ménage donc un en Romagne, où sa politique expéditive lui vaut de devenir le modèle de Machiavel. A Rome, coupe-gorge où continuent à s'affronter les clans médiévaux, les rugueux Borgia rendent coup pour coup, jusqu'à l'effondrement final. C'est alors le temps de la revanche de la belle Lucrèce, plusieurs fois mariée selon les ambitions du clan.
Devenue duchesse de Ferrare et l'une des plus belles figures féminines de l'époque, elle inaugure le temps de la repentance des Borgia, bientôt marqué par la personnalité torturée du jésuite Francesco, le saint de la famille. La saga des Borgia se lit ainsi comme l'aventure exemplaire et tragique d'une ambitieuse dynastie de gens d'Eglise, bien loin de l'image trop répandue d'une brillante et douceâtre Renaissance italienne.
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Jean-Yves Boriaud nous propose avec “Les Borgia” un ouvrage historique de premier plan mais aussi une saga familiale qui combine aventure, ambition et tragédie ; au point que la mémoire de cette famille d’origine catalane va traverser l’histoire italienne jusqu’à nos jours. Ce que l’historien met rapidement en évidence c’est que si les “Borgia” doivent l’essentiel de leur notoriété à trois personnages exceptionnels, Rodrigo (Alexandre VI) et ses enfants, César et Lucrèce, ils subissent en réalité les effets d’un double regard. L’un bienvaillant, en Catalogne, exalte son histoire catalane. L’autre regard, italien, nettement moins bienveillant, scrute les parts d’ombre les scandales qui accompagnèrent au XVeme siècle les pontificats “Borgia”. Une légende noire - à laquelle Victor Hugo contribua – accompagna dès lors l’histoire de la famille.
Boriaud point d’ailleurs que la descente aux enfers commença très tôt pour les “Borgia”. Il n’est, en effet, jamais bon pour un pape d’avoir pour successeur un homme que l’on a persécuté son pontificat durant comme ce fut le cas entre Alexandre VI Borgia et son successeur Jules II Della Rovere. Mais l’exploration de Jean-Yves Boriaud va évidemment bien au-delà des deux pontificats Borgia. On apprend beaucoup sur les rapports des Borgia avec la France, les guerres de Romagne, la possible inspiration Borgia de la réflexion de Machiavel, le “moment” Lucrèce Borgia mais aussi la personnalité souvent méconnue de Francesco Borgia, le saint de la famille. Autant de pièces du puzzle Borgia qui se trouve rassemblées dans cette incroyable et édifiante saga.
L’historien met certains bémols à la diabolisation systématique de cette famille dont les visées politiques ont souvent dépassé les intérêts familiaux. Le temps des Borgia fut, Boriaud nous permet de ne pas l’oublier, celui de la chute de Constantinople et donc celui des armes dans une ville de Rome toujours en état de guerre civile larvée. Cette passionnante biographie familiale constitue aussi un coup de sonde éclairant sur une période de l’histoire européenne mal connue.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)