Descartes, et l'ambition qu'il formule de " devenir maître et possesseur de la nature ", fonde la modernité philosophique qui va de pair avec la promesse toujours plus explicite d'un progrès de l'histoire. Les Lumières n'ont fait que conforter cette espérance, et, depuis Kant, la philosophie pose directement la question " Que suis-je en droit d'espérer? ", tandis que Hegel annonce la " fin de l'histoire " et Nietzsche la venue du " surhomme ". Il semblerait qu'en accaparant la promesse la philosophie usurpe la fonction prophétique tout en sécularisant l'eschatologie; or, jusqu'à présent, les promesses de la philosophie n'ont pas été tenues. Il faut donc examiner à nouveau ce qu'est véritablement une promesse, ce qu'elle implique, en tant qu'" acte de langage " ; il faut se demander si la philosophie, en dépit de la périodisation de son histoire, n'a pas toujours, et dès le début, impliqué une promesse. Qu'en est-il alors des pensées qui, comme celle de Benjamin, ont radicalisé la perspective traditionnelle du messianisme ? Face à cette tendance philosophique, une réflexion sur la sécularisation même devenait nécessaire, comme l'a bien compris Blumenberg. Et sans doute fallait-il également montrer comment Nietzsche a tenté de dépasser la philosophie en se proclamant " poète-prophète ", de même qu'on devait interpréter la manière dont la promesse est formulée dans la Bible, dès la Genèse. Enfin, ces réflexions sur le passé, même proche, ne nous dispensent pas d'une analyse au présent de la promesse, en assumant le risque de voir la philosophie confrontée à ses marges, voire à ses limites.