Après avoir exploré la Grèce antique, l’art, la poésie, la physique, l’écriture et la bible, Somoza consacre cet opus au théâtre et plus particulièrement à Shakespeare dont il connaît l’œuvre sur le bout des doigts.
Passé maître dans l’art du polar littéraire qui explore la psyché humaine et ses perversions, l’auteur atteint le paroxysme d’une imagination fertile et perverse. Il amène de façon troublante et ingénieuse le lecteur à s’interroger sur les tréfonds de son être et de sa personnalité : ce qui se déclenche en lui au moment où naît le désir pour
quelqu’un ; ce qui fait que ce même désir a pu être déclenché en lui à ce moment-là…
Dans un maniement subtil et parfait de l’écriture et de la langue, il mêle le réel et l’imaginaire, maîtrise l’art de l’ambigüité et celui des métaphores. Ce récit est comme toujours sous la plume de l’auteur : inattendu.
Malgré tout je concède que ce livre est loin d’être d’un abord facile, il demande qu’on lui consacre du temps car José Carlos Somoza va encore plus loin que dans ces autres écrits, et l’on peut d’ailleurs se demander jusqu’où il sera capable d’aller.
Fan inconditionnelle de cet auteur, je conçois que pour une première approche de l’univers de cet auteur, il vaut sans doute mieux commencer par « Clara et la pénombre » ou « La dame N°13 ».
A la fin de chacun des romans de Somoza, je pense à sa traductrice Marianne Million qui sait rendre, roman après roman, l’ambiance particulière de l’univers de Somoza et ses subtilités linguistiques.
L'Appât
Vous n'êtes que désir
Elles sont belles, elles sont dangereuses, elles sont inévitables. Leur arme ? Votre propre désir. Capable de jouer vos fantasmes les plus irrépressibles, elles n'attendent qu'une chose : que vous soyez leur proie.
D'une idée à la limite de l'anticipation, Somoza nous soigne un polar aussi ficelé qu'un corset victorien.
L'héroïne, embarquée dans une course contre la montre, nous entraîne dans un furieux méli-mélo d'horreur et de passion où le désir est roi.
Seul accroc au roman, si la théâtralisation du désir est parfaitement mise en scène, elle manque peut-être de chair. Une théorie aussi poussée sur le désir n'aurait pu se dissocier de la consommation du plaisir. Or, et c'est tout le propos du livre, la seule mimétique du désir est suffisante pour "accrocher" n'importe quelle proie.
Que les lecteurs se rassurent, c'est aussi là que le roman marque tout ces points : car le nœud de l'intrigue est bien plus complexe que l’apparence racoleuse. Somoza sait manier le suspens et le rebondissement avec brio, jusqu'au moindre retranchement du système qu'il a mis en place. Ce point d'honneur fait de ce roman ce qu'il est vraiment : un vrai polar, ficelé à point.