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Beyrouth, au crépuscule. La ville se prépare à regarder le match Allemagne-Ghana de la Coupe du monde de football 2010. Au cours de la nuit, six personnages, filles et garçons, se croisent, s'esquivent, se frôlent, s'aiment, se perdent dans ce Beyrouth de tous les excès, entre Occident et tradition, boîtes de nuit a ciel ouvert et diodes opalescentes des écrans de portable, de télévision : ces lumières artificielles des oiseaux nocturnes que sont les protagonistes de ce Bonjour tristesse du Liban.
Diane Mazloum signe un premier roman contemporain et intimiste, où ces " bébés de la guerre " jouent à l'amour et à la mort. Une génération ultra-connectée mais sans attaches, décrite dans une langue sensuelle, comme si Beyrouth était une peau humaine, blessée de fines cicatrices presque invisibles mais terriblement réelles.
Une mosaïque remarquablement puissante de sensations.
Contrairement à ce que le visage en jaquette pourrait suggérer, il ne s'agit pas d'aller flâner aux méandres de l'Orient. Si la ville est un dédale omniprésent, elle semble parfaitement indifférente au destin des personnages. Et pourtant, ce roman ne pouvait avoir lieu qu’à Beyrouth, dans cette cité libertine, traditionnelle, contradictoire, pour un soir effervescente et résignée dans sa propre Histoire. C'est elle qui a forgé en trame de fond les désillusions latentes des six trentenaires privilégiés qui, pendant cette nuit fatale, sont livrés à quelque chose d’eux-même, en pleine déroute. Le talent de l’auteure se révèle à ébranler ses personnages, tour à tour subtile, tranchante, onirique ou crue. Elle distille une telle palette d’émotions, que le lecteur n’a pas d’autre choix que d’être à son tour saisi, pris par les tourments d’un ou de plusieurs des protagonistes. Mais le livre n’en a pas fini avec vous ! Car à travers une construction en mosaïque, où la romancière croise les parcours en évitant de les intriquer exagérément, il souffle une profonde légèreté, une aspiration ténue, constante, croissante et bientôt indocile au dépassement et au bonheur. Dès que ce courant vous agrippe, vous ne pouvez rien lâcher : ni l’histoire, ni l’auteure et son style implacable, ni le livre. Au final, « Beyrouth la nuit » est tout sauf un livre sur une génération ou « libanais » et qui se complairait à l’apitoiement ; c’est un intense édifice contemplatif qui vous secoue et donne un bon coup de pied… où vous voudrez. À lire furieusement !