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Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Karel Capek. Les tritons de Capek sont de braves salamandres habitant à faible profondeur près des côtes. Ce sont des êtres paisibles, taillables et corvéables à merci et même comestibles. Après les avoir découvert, l'homme les asservit, les exploite, les fait travailler et les mange. Mais un jour elles commencent à parler puis, sous les effets pernicieux des idées de Karl Marx, à se révolter.
Elles ne s'en tiennent d'ailleurs pas là et, emportées par leur élan, finissent par réclamer de manière violente encore plus de droits et plus d'espace vital jusqu'à conquérir le monde. "La Guerre des Salamandres" n'est pas un simple roman de Science-Fiction, une dystopie ou un pamphlet politico-prophétique à la H. G. Wells ou à la George Orwell, même si dans l'esprit de l'auteur, les salamandres sont aussi tous les peuples opprimés qui un jour se révoltent contre l'oppression.
C'est un chef-d'ouvre à étages prenant comme hypothèse de départ qu'une autre espèce animale que l'homme devienne le véhicule de l'évolution culturelle jusqu'à ce niveau que nous appelons civilisation, ainsi que la description, aussi minutieuse que drôle, de notre obscurantisme. On en sort en hurlant de rire, même si c'est avec les yeux hors de la tête car Capek, s'il ne se consacre jamais qu'à la réflexion étonnée sur le destin de l'homme, n'est pas un moralisateur.
Il erre dans un monde enfoui et, comme l'un de ses personnages, il voit venir la fin du monde en pêchant le goujon.
Excelent roman, à plusieurs poitns de vue. Capek frappe par son talent !
Un roman-animal entre "la ferme des animaux" d'Orwell et "Une animal doué de raison" de Robert Merle.
Que dis-je !? Non, pas "entre". Je le place encore au dessus !
Un récit palpitant, diversifié, efficace, et piqué d'humour. Une apocalypse, une description d’effondrement du monde qui n’est pas sans provoquer une certaine fascination. Et comme le scénario m'a paru tout a fait digne d'intérêt, je pourrais m'arrêter là pour justifier mon avis selon lequel "La guerre des salamandres" est un grand roman de science-fiction.
Mais on trouve aussi, définitivement, un caractère prophétique dans ce livre. Deux surprises de ce point de vue là :
- premièrement (probablement issue d'une observation attentive de l'évolution du monde dans les années trente) : l'évolution de l'économie vers le productivisme, la modernisation ultra-rapide de la Chine, la montée de l'Allemagne Nazie (à propos de laquelle Capek nous offre une perle, en projetant la vision de la pureté de la "race" sur les salamandres).
- deuxièmement (Le livre est écrit en 1935. Le dilemme du prisonnier n'est énoncé qu'en 1950) : l'impasse des organisations étatiques du monde entier face au problème mondiale nécessitant des sacrifices de chacun.
Capek dépeint une fatale contradiction : les salamandres annoncent leur volonté de faire disparaître les continents (et donc l’homme), et demandent aux hommes de leur vendre le matériel pour mener à bien leur projet... Et quasiment chaque état accepte ces ventes mortifères, parce que la menace sera lente à l’exécution, et pour préserver son économie !
C’est ni plus ni moins ce qu’on observe (avec des conséquences moins radicales tout de même) ces dernières décennies avec la problématique de la consommation d’énergies fossiles et le dérèglement climatique.
Je reste impressionné par l’adéquation de la fin du roman à la trajectoire que nous prenons actuellement quant aux émissions de gaz à effet de serre.
Un extrait du mot final de l’auteur, revenant sur le sort donné aux hommes dans son livre :
"Comment n’aurais-je pas pitié du genre humain, je te le demande ? Mais il m’a surtout fait pitié quand je l’ai vu courir lui-même tête baisés à sa perte. Ça donne envie de crier de voir ça."