Je ne suis pas un gros lecteur de policier, mais celui-ci sort complètement du cadre et dégomme par avance toute tentative d'étiquetage. Dans le domaine policier, je trouve la production américaine trop formaté, un auteur écrit dans un genre et n'en sort plus, la publication éditoriale est plus industrielle que littéraire. Trevanian est hors norme, inclassable, unique, et ne se prive pas de critiquer la culture de son pays au coin d'une phrase, les règlements de comptes sont plutôt musclés (ce bouquin a été écrit en 1979). Donc le décalage avec ce qu'on peut lire habituellement
est d'autant plus jouissif. Notre "héros" (Nicholaï) est né durant la seconde guerre mondiale d'une mère russe et d'un père allemand, devenu orphelin c'est un général japonais qui l'adopte, son éducation sera donc orientale, un maître de Go prenant une grande place dans celle-ci. Le livre est d'ailleurs divisé en six phases qui correspondent à la stratégie dans le jeu de Go. Notre "héros" va devenir un tueur redoutable aux capacités étonnantes, il maîtrise de nombreuses langues, il développe une sorte de sixième sens lui permettant de desceller n'importe quelle présence vivante se trouvant à sa proximité. Il pratique la méditation et vit au Pays Basque. Il est à la retraite quand débute l'histoire, une jeune femme, fille d'un ancien ami, fait partie d'un groupe chargé de tuer un groupe de terroristes palestiniens, la fusillade se déroule dans un aéroport et dégénère. Elle demande de l'aide à notre "retraité". Le livre est construit de manière parfaite : on oscille entre des retours sur le passé de Nicholaï, et la traque dont ce dernier se retrouve être l'objet, une organisation internationale (la Mother Company), une sorte de parodie de la CIA et des intérêts industriels des USA, devient l'ennemi implacable, l'affrontement monte en puissance et se conclut en un éclair.
La voie du samouraï
Nicolaï Hel est une personne unique: russe par sa mère, un physique allemand, une jeunesse chinoise, une éducation japonaise, il vit au pays basque. Il est brillant et solitaire et son métier est l'antique métier des samouraï: c'est un guerrier. Il tue pour gagner sa vie et entretenir sa demeure raffinée où il joue au go en travaillant son jardin zen. Alors qu'il vit retiré, le destin vient frapper à la porte du château: il se retrouve au prise avec la CIA et la puissante Mother Company.
C'est un récit peu commun qui mêle espionnage, spéléologie et découverte de cultures (japonaise et basque). Le ton léger et la truculence de certains personnages n'enlèvent rien à la tension et au suspense. On est passionné par l'histoire de Nicolaï, comme par ses aventures présentes.
A mettre dans toutes les mains.
Attention toutefois: ne vous attendez pas à un roman d'espionnage ultra-réaliste (la mode actuelle). Shibumi comporte quelques passages loufoques. Rassurez-vous cependant, le charme n'en est pas moindre.