Little Wing est une toute petite ville du fin fond du Wisconsin, autant dire un trou perdu de l'Amérique profonde. Le personnage le plus emblématique de l'endroit est certainement Lelland Sutton que tout le monde appelle Lee et que le show-biz connaît sous le pseudo de « Corvin », guitariste et chanteur qui parvint à une certaine célébrité avant de revenir d'où il était parti. On y trouve également Kip, ancien trader, marié avec Felicia, qui a la folle idée d'investir sur place en réhabilitant un ancien silo à grains, Ronny, cow-boy de rodeo, qui a sombré dans l'alcoolisme suite
à un grave accident, Eddy Moffitt, agent d'assurance capable de jouer les avocats et surtout Hank, l'agriculteur qui n'a jamais quitté Little Wing et son épouse Beth, la plus belle fille du patelin. Tout le monde se connait depuis l'école, tout le monde se fréquente et tout le monde se soutient. Il fait bon vivre à Little Wing à un point tel que ceux qui sont partis chercher fortune au loin rêvent tous d'y revenir un jour... Et pourtant, les jeux de l'amour, les errements sentimentaux des uns et des autres peuvent finir par gâcher les plus belles ambiances et obscurcir les cieux les plus radieux...
« Retour à Little Wing » est un très joli roman social et intimiste, rempli de personnages pétris d'humanité et d'histoires simples mais fortes racontées avec finesse, intelligence et délicatesse. Butler montre une grande empathie pour ses personnages qui, à première vue, pourraient passer pour des ratés, des ploucs, ou, à tout le moins, pour des gens quelconques, voire médiocres. Tous cachent une fêlure, un remords ou une faiblesse et en cela, ils nous apparaissent bien proches, humains, très humains. Le style narratif est assez particulier. Butler fait parler un à un tous ses personnages et toujours à la première personne du singulier, ce qui brouille un peu les cartes, demande au lecteur un léger effort intellectuel pour savoir qui parle, mais permet aussi de se retrouver au plus près de l'histoire et des gens. C'est une plongée au coeur de l'Amérique d'en bas, celle des grandes plaines, de la campagne, des petites villes qui s'enfoncent doucement dans la crise et dans l'oubli méprisant des gens des grandes métropoles. Le résultat final est assez bluffant mais toujours très agréable à lire. On se dit même que Butler est peut-être un émule de l'excellent Richard Russo (« Le déclin de l'empire Whiting », « Mohawk »), ce qui n'est pas un mince compliment quand on sait que ce dernier s'est vu décerner un Prix Pulitzer fort mérité pour le premier titre.
Un récit émouvant
Nickolas Butler nous offre un beau récit d'amitié. Comme l'amitié peut-elle survivre aux trahisons ? Il nous parle aussi avec finesse de l'attachement de ses personnages pour les lieux de leur enfance et de leur adolescence. Le récit est construit fort habilement et la narration confié à chacun des personnages à tour de rôle nous fait rentrer dans leur intimité.