Valentine Goby possède cette incroyable capacité à parachuter son lecteur auprès de personnages au destin tragique, mais à la capacité de résilience et de force de vie absolument extraordinaire !
François a 22 ans. Il a une vie somme toute privilégiée : sa famille est aimante, il vogue de job en job pour trouver sa voie et vient de rencontrer une jeune femme avec qui la vie est pleine de surprises.
François est beau, insouciant, heureux... Jusqu'à cette panne de camion qui le contraint à partir chercher du secours dans la neige... Jusqu'à cette "fausse-bonne idée" de monter
sur le toit d'un wagon pour tenter de repérer sa route et trouver du secours.
François se réveille brisé, aussi bien dans son corps que dans sa tête puisque les dernières semaines de son insouciante vie se sont envolées.
François doit se reconstruire... plus exactement se réinventer, trouver la force de créer une nouvelle vie avec un corps qu'il ne reconnaît pas.
Comment remonter à la surface et reprendre le cours d'une vie quand l'époque n'est pas encore prête à vous y aider ? Quand la société n'a rien prévu pour vous ?
Comment trouver la force de continuer à vivre quand chaque jour est une bataille ? Quand, pour chaque tâche du quotidien, vous dépendez des autres ?
Comment apprendre à vous aimer tel que vous êtes quand le regard des autres ne renvoit que pitié ou dégoût ?
"Pas un vrai corps, donc pas du vrai sport, la première assertion commandait toutes les autres,
pas un vrai frère, pas un vrai fils, un vrai amant, un vrai amoureux, un vrai prof, un vrai ami, un vrai homme.
Un handicapé en toutes choses."
Voilà mille questions que pose le récit de Valentine Goby. Ce roman sur la résilience bouscule à chaque page.
Murène se lit avec lenteur, tant les émotions de François submergent le lecteur, tant les douleurs de François deviennent réelles, vives, violentes, tant il est nécessaire que le cheminement se fasse, doucement, chaque jour un peu plus, vers une autre forme de vie, vers une autre forme de lumière, vers une sorte de naissance....
Murène est un roman de la perte et de la souffrance et pourtant, au fil des pages, la capacité d'adaptation et de résilience de son personnage principal fait surgir une lumière, de moins en moins vacillante, de plus en plus forte et qui finit par atteindre le lecteur en plein coeur.
Un roman intense, presque physique, terrible et à la fois beau !
http://cecibondelire.canalblog.com/archives/2020/03/28/38143823.html
Naissance du handisport
En 1956, un accident laisse François pour mort. Contre toute attente et après un long comas, le jeune homme de vingt-deux ans survit. Mais il est grièvement brûlé et a dû être désarticulé des deux épaules. A la torture de la douleur s’ajoute celle d’une vie à réinventer, malgré le refus de soi et le regard d’autrui, dans l’humiliation de la dépendance et de mille renoncements quotidiens. A cette époque, les possibilités d’appareillage sont extrêmement limitées pour son cas. C’est dans le sport, plus précisément la natation, que François va progressivement retrouver l’estime de soi et le goût de vivre.
Le sujet est grave et ne peut laisser de marbre. Symbolisé avec force par l’image du mannequin Stockman sans épaules, le thème de l’infirmité physique est ici exploré posément et sans pathos, au travers d’un personnage fictif d’un parfait réalisme et d’une lumineuse humanité. Ce livre est d’abord le portrait bouleversant, tout en nuances et sans la moindre complaisance, d’un être dépossédé de ce qui faisait sa vie, son identité sociale et sa dignité humaine, en même temps que de son intégrité corporelle et de ses capacités physiques. Infirme, François sort de la sphère qui était la sienne, pour se retrouver marginalisé sur un bas-côté de la vie. A peine s’il se sent encore considéré comme un humain à part entière, tant seule sa différence tend à le définir dans les regards portés sur lui.
Lorsque François se met en tête d’apprendre à nager sans bras à la fin des années cinquante, personne n’imagine alors que le sport, la compétition et l’exploit puissent être du ressort de personnes estropiées. Son parcours du combattant est l’occasion de retracer l’émergence du handisport et la création des jeux paralympiques, dans une intéressante rétrospective historique qui fait prendre conscience du chemin parcouru depuis. C’est d’ailleurs la médaille d’or et le record mondial du nageur chinois sans bras Tao Zheng, en 2016, qui a servi de déclic à l’écriture de ce roman, clairement sous-tendu par une documentation approfondie.
Ce livre plein d’empathie et d’une grande beauté d’écriture est un magnifique hommage à toutes les personnes souffrant d’infirmités et aux extraordinaires capacités de résilience dont l’espèce humaine sait faire preuve. Si la science n’a pas fini de faire progresser chirurgie et appareillages, du chemin peut aussi être encore parcouru dans l’acceptation et l’oubli de la différence. Alors que la malchance ou la fatalité contraignent certains d’entre nous à faire face au handicap ou à l’infirmité, l’obstacle supplémentaire de la discrimination et de la dévalorisation ne devrait jamais venir alourdir le destin.