Un tableau du Titien exposé au Louvre présente une anomalie dans la signature. L'un des élèves du maître en serait l'auteur... Cette énigme a donné un point de départ à Metin Arditi pour retracer le destin d'un jeune juif, fils de marchand d'esclaves à Constantinople, qui ne peut s'empêcher de dessiner les gens qu'il croise, alors que sa religion s'oppose à la représentation de figures humaines. Des années plus tard, il est connu et très demandé à Venise sous le nom de Turquetto, et son origine juive ignorée de tous ceux qui admirent ses toiles.
Par petites touches, l'auteur
trace un portrait du jeune garçon, de son entourage, de la ville de Constantinople et de ses bazars, vivante et grouillante de petits métiers, de petits commerces. L'atmosphère de Venise est bien différente, les querelles religieuses et de pouvoir plombent tout, et Le Turquetto finirait par ne plus s'y sentir en sécurité, si seul son art ne lui importait... Pourtant son destin devra encore basculer...
Ce roman m'a rappelé à bien des égards un autre périple, celui de la Haggadah de Sarajevo dans Le Livre d'Hanna de Geraldine Brooks. L'histoire d'une œuvre d'art est un sujet tout à fait fascinant, il est lié ici aux thèmes de l'identité, de l'intolérance religieuse, traités à merveille par Metin Arditi, que je considère comme un écrivain contemporain « qui compte » et que j'ai toujours plaisir à lire.
Magistral...
Roman historique et roman à suspense tant il y a des rebondissements et des retournements de situation, Le Turquetto est une belle réussite. Si la première partie se déroulant à Constantinople vise à introduire les origines du héros (cette première partie prenant tout son sens et son importance à la fin du roman), l’intrigue à Venise et le retour à Constantinople sont magistraux, parsemés de morceaux de bravoure et de scènes d’anthologie comme le pseudo-meurtre de Gandolfi, « l’exécution » du Turquetto, le personnage de Zeytine Mehmet…Mention spéciale pour la scène du banquet improvisé en prison, mise en abyme dans le roman de la Cène peinte par le héros, scène parfaitement théâtrale qu’un Shakespeare n’aurait pas reniée …Le Turquetto est une réflexion sur la place de l’artiste dans la société et les relations de l’art avec le pouvoir, en bref un roman aussi stimulant sur la forme que sur le fond...