« Dans le parc, il était le seul salaryman. Dans le parc j’étais le seul hikikomori. Quelque chose clochait en nous. Lui aurait du être dans son bureau, dans l’un des grands immeubles; et moi j’aurais du être dans ma chambre, assis entre mes quatre murs. Nous n’aurions pas du nous trouver ici, ou du moins faire comme si c’était notre place ».
Deux hommes que tout oppose se retrouvent chaque jour dans un parc. L’un a une cinquantaine d’années, est marié, déguste chaque jour le bentô préparé par sa femme, à qui il n’ose pas avouer qu’il a perdu son emploi. L’autre
a une vingtaine d’années et est un hikikomori, selon un terme japonais qui désigne ces jeunes gens qui se sentent incapables d’affronter la société et s’enferment pendant des mois, des années dans leur chambre en refusant toute communication avec leur famille. Ces deux hommes sont ils ceux qu’ils paraissent être, des personnages que l'on peut ranger aussi facilement dans des cases? Chacun d’eux va confier à l’autre l’essentiel, ce qui fait qu’il en est là aujourd’hui. Le plus âgé se raccroche désespérément à la promesse d’un quotidien bien rangé qu’il a fait à sa femme il y a bien longtemps, une promesse qui leur a permis de survivre à une terrible épreuve. Le plus jeune a été traumatisé par le suicide de deux amis dont il se sent responsable.
Ce n’est pas un livre qui m’attirait particulièrement, je l’ai commencé sans beaucoup d’enthousiasme et j’ai d’ailleurs trouvé les premières pages un peu ennuyeuses. Et puis subitement ce texte extrêmement bien écrit a su me toucher bien plus que je ne l'aurais cru. Quand ces deux hommes ont commencé à se confier l’un à l’autre, j’ai été émue, bouleversée par leurs histoires respectives. C’est un livre très court (164 pages) mais d’une intensité et d’une délicatesse rare.
Rencontre improbable
Un jeune homme qui n’était pas sorti de sa chambre depuis deux ans.
Un employé de bureau qui a perdu son travail et n’ose le dire à son épouse.
Deux personnages différents au possible qui se rencontrent dans un parc, en silence.
Les mots viennent lentement, dessinent peu à peu les contours de leurs vies.
Ces mots les aident à s’apprivoiser, s’interroger, se confier, se lier d’une amitié aussi improbable que nécessaire.
Un très beau roman fait de petites phrases sans fioritures, où la suggestion l’emporte sur la description, qui amène le lecteur à se poser la question du rôle de la société dans la vie de chaque individu.