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Fiodor Dostoïevsky (1821-1881)
"L'été commençait, et Veltchaninov, contre son attente, se trouvait retenu à Pétersbourg. Son voyage dans le sud de la Russie ne s'était pas arrangé ; puis, son procès traînait, il n'en voyait pas la fin. Cette affaire - un litige au sujet d'une propriété - prenait mauvaise tournure. Trois mois auparavant, elle paraissait toute simple, pas même douteuse ; et, brusquement, tout avait changé.
« Au reste, c'est ainsi pour toutes choses, tout se gâte », se répétait-il sans cesse à lui-même, avec mauvaise humeur. Il avait pris un avocat habile, cher et connu, il n'avait pas ménagé l'argent ; mais, par impatience et par défiance, il s'était occupé lui-même de son affaire : il s'était mis à écrire des papiers, que l'avocat s'empressait de faire disparaître ; il courait les tribunaux, faisait faire des enquêtes, et, en réalité, retardait tout ; à la fin, l'avocat s'était plaint, et l'avait engagé à partir pour la campagne.
Mais il ne pouvait se résoudre à s'en aller. La poussière, la chaleur étouffante, les nuits blanches de Pétersbourg, qui surexcitent et énervent, tout cela le retenait à la ville. Il habitait, quelque part dans le voisinage du Grand-Théâtre, un appartement qu'il avait loué depuis peu, et qui n'était pas suivant son gré. « Rien n'était suivant son gré ! » Son hypocondrie croissait de jour en jour ; mais depuis longtemps il en avait le principe.
C'était un homme qui avait vécu beaucoup et largement ; avec ses trente-huit ou trente-neuf ans, il était loin d'être encore jeune, et toute cette « vieillesse », comme il disait, lui était venue « presque absolument à l'improviste » ; il comprenait lui-même que ce qui l'avait si vite vieilli, c'était non pas la quantité, mais, pour ainsi dire, la qualité des années, et que, s'il se sentait faiblir avant l'âge, c'était par le dedans plus vite que par le dehors.
A le voir, on eût encore dit un jeune homme."
Veltchaninov rencontre, par hasard, Pavel Pavlovitch ; ce dernier a perdu son épouse Nathalia et vit, dans des conditions sordides, avec sa fille Lisa. Veltchaninov fut l'amant de Nathalia, il y a quelques années... Serait-il le véritable père de Lisa ? Une étrange amitié s'instaure entre les deux hommes...
L'éternel mari
Je vais vous faire un aveu. J'ai très envie de découvrir Dostoïevski et Tolstoi mais les pavés que sont leurs romans m'effraient. Alors, comme je l'ai fait avec Pouchkine, je commence par leurs oeuvres les plus petites. Et ce titre ne dépassant pas les 200 pages me semblait parfait.. Comme en plus c'est un classique tombé dans le domaine public, j'ai pu le trouver gratuitement pour mon Kindle. Enfin, l'occasion de compléter une ligne dans mon challenge Petit Bac a fait le reste. J'ai donc enfin pu découvrir Dostoïevski.
Le problème avec cette politique de découverte, c'est que les plus petites oeuvres sont rarement les meilleures. Et ce fut le cas ici. Il faut dire que le personnage de Veltchaninov, hypocondriaque profond, névrosé qui ressasse ses souvenirs et les décortique à plaisir, n'est pas le plus indiqué pour provoquer chez moi un quelconque attachement. La vision des rapports de couple est loin d'être joyeuse puisque l' "éternel mari" dont il est question n'est rien de moins qu'un homme qui n'épouserait que des femmes destinées à le tromper. Mari, épouse défunte, ancien amant, fiancée de 15 ans, fille, tous ces personnages forment une danse macabre et obsessionnelle, faite de fascination et mêlée parfois d'indifférence.
Ceci dit, la tension entre le mari et l'ancien amant est assez bien rendue : le veuf sait-il que sa femme le trompait avec cet ami perdu de vue ? Mais on se perd dans les complexités abusives de cette tension, la situation étant parfois vraiment confuses. Les dialogues n'aident pas à clarifier tout ceci tant les personnages semblent proches de la folie. Peut être que des lourdeurs de traduction n'aident guère à simplifier d'ailleurs.
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2014/05/leternel-mari-fiodor-dostoievski.html