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Écrivain traduit dans le monde entier, Philippe Claudel est aussi cinéaste et dramaturge.
Il a notamment publié aux éditions Stock Les Âmes grises, La Petite Fille de Monsieur Linh, Le Rapport de Brodeck et L’Arbre du pays Toraja.
Philippe Claudel revient en librairie avec Inhumaines paru aux éditions Stock. Sous-titré « roman des mœurs contemporaines », l’ouvrage déploie en quelques textes un rire grinçant contre le désespoir d'une époque déréglée.
© William Ropp
L’auteur répond à quelques questions pour nous expliquer la naissance de ce drôle de livre placé sous le signe de l’humour noir et son choix d’un style et d’un registre encore jusque là inexplorés.
> Comment avez-vous eu l’idée de ce « roman des mœurs contemporaines » ?
En regardant le monde autour de soi, la vie des hommes, leurs occupations, leurs loisirs, leurs désirs, leurs lâchetés, leur bêtise, l’effondrement de leur intelligence, de leur exigence, de leur goût. Tout est là. Mais je ne voulais pas rendre le lecteur amer ni dépressif. Je voulais le faire rire. Jaune. Noir. Rouge. Comme il vous plaira. Mais rire. Il nous reste cela tout de même. Enfin, je l’espère.
> Pourquoi avoir choisi ce titre : « Inhumaines » ?
Parce que justement, il me semble qu'imperceptiblement, et sans s'en rendre compte, l'humanité perd ce qui la constitue pour glisser peu à peu vers une forme d'inhumanité qui se caractérise par une absence de sentiments, un désir de modifier son corps, de bannir la mort, de brouiller la sexuation des individus, de remplacer l'amour par la consommation de sexe, de céder sa mémoire à des machines, de préserver son égoïste territoire au détriment de celui des autres. C’est un peu comme si, pendant des millénaires, l’humanité avait cherché à s’élever et à s’améliorer, et qu’elle n’avait de cesse depuis quelques décennies de se détruire et de se renier.
> Pourquoi avez-vous choisi la forme du texte court voire très court. Tout comme les phrases d’ailleurs… Globalement ces textes sont lapidaires dans leur forme et leur ton… Pourquoi avoir fait ce choix d’écriture ?
Pourquoi avez-vous choisi la forme du texte court voire très court. Tout comme les phrases d’ailleurs… Globalement ces textes sont lapidaires dans leur forme et leur ton… Pourquoi avoir fait ce choix d’écriture ?
> Pourquoi un registre aussi cru voire cruel sur des thématiques telles que le sexe, la mort, la marchandisation des corps… ?
N'importe quel magazine féminin grand public parle de sexualité et de pratiques sexuelles en des termes extrêmes, comme si c'était normal, comme si c'était banal. N’importe quel programme télévisé, discours politique, émission de divertissement est encombré de vulgaire, de bêtise. Le cerveau s’atrophie au bénéfice de l’organe sexuel, constamment sollicité, flatté, mis en avant, non dans un but reproductif mais purement ludique aujourd’hui. L’internet, les applications, les réseaux sociaux ne servent pas en premier lieu à faire évoluer la pensée, mais à faire se rencontrer les êtres dans une dimension sexuelle, organisée suivant les protocoles hérités des fantasmes mis en scène dans les films X. Nous sommes davantage des consommateurs – de sexe, de loisirs, d’ennui – que des êtres intelligents. Pascal écrivait que l’homme est un roseau pensant. On ne peut plus prétendre cela : l’homme est désormais une bite débile. A cet égard, Donald Trump est emblématique de noter époque. Nous le méritons.
> Vous qui êtes toujours entre le cinéma et la littérature, pourriez-vous, pour une fois, jouer ou mettre en scène ce texte au théâtre ?
Le texte se prête très bien à la mise en voix, qui fait ressortir davantage sa drôlerie, quand l’acteur la pointe. J’en ai fait plusieurs fois l’expérience quand j’ai lu des extraits dans des festivals avant sa sortie. Ce peut être une bonne idée. On verra.
> Etes-vous vraiment désespéré face à notre époque ?
Oui, mais j’en ris. Et je veux qu’on s’en moque. D’où ce livre. La littérature doit gratter parfois. Déranger. Grossir le trait pour provoquer des réactions. C’est ce que je cherche avec ce roman.
> Quel est le premier livre qui vous a marqué enfant ou adolescent ?
> Quel livre a été votre dernier compagnon de voyage ?
Le cimetière des abeilles d’Alina Dumitrescu.
> Quel est le dernier livre que vous avez offert à quelqu’un ?
Un collectionneur allemand de Manuel Benguigui.
> Que lisez-vous en ce moment avant de vous endormir ?
Je relis les Confessions, de Jean-Jacques Rousseau.
> Quel livre pourriez-vous lire et relire et relire encore ?
Toute l’œuvre de G. W. Sebald.
> Quel est le dernier livre qui vous a fait rire ?
Le dernier ouvrage de François Fillon, un grand auteur comique.
> Quel est le dernier livre qui vous a fait pleurer ?
Le dernier ouvrage de François Fillon, un grand auteur dramatique.
Propos recueillis par Noémie Sudre pour MyBOOX