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Nous sommes à Mornay, une ville de province, mais proche de Paris. Dans les années 80 et 90, trois gamins se retrouvent dans la même classe et deviennent un trio d’inséparables.
Le chef de ce trio est Mehdi Faber, qui préfère se faire nommer Faber. Basile est un jeune garçon un peu timide et Mehdi va le prendre sous son aile et lui faire découvrir la vie. Il y a aussi une fille dans ce trio. Madeleine, une belle blonde mais qui est aussi et surtout un garçon manqué.
Tristan Garcia va nous raconter alors les années collège et lycée de ce trio.
Alternant les points de vue des
trois protagonistes, nous allons au fur et à mesure des pages apprendre à les connaître. L’auteur va nous décrire, à travers le regard des trois protagonistes, leur vie actuelle et surtout leurs années collège et lycée.
Le personnage central du titre est un jeune garçon, surdoué, qui vient d’être adopté après la mort dans un accident de ses premiers parents adoptifs. Il va devenir alors le leader du collège et surtout du lycée. On va être en 1995, avec les grandes manifestations contre la réforme des retraites. Les syndicats sont dans la rue et quelques lycées sont occupés. Faber va devenir l’un des leaders de ce mouvement dans son lycée. D’ailleurs, il a déjà une culture politique. Car en avance, il a déjà lu et analysé les textes révolutionnaires. Il est une sorte de diable pour certains et de leader charismatique pour d’autres. Dans cette ville de province où les classes moyennes vivotent. Nous allons croiser des parents de classe moyenne, qui essaient d’offrir le nécessaire à leurs enfants pour qu’ils réussissent mieux qu’eux, des enseignants avec chacun leur particularité. Il y a des portraits de professeurs si réels, qu’on pourrait croire que nous les avons connus pendant nos années lycée. Nous croisons aussi les enfants des immigrés, de la deuxième génération qui vont essayer de réussir grâce à l’école.
Ce livre est aussi un constat pessimiste de notre société actuelle.
Que sont devenus cette génération qui n’a pas connu de guerre, de révolution et qui avait tout de même des espoirs.
Madeleine est devenue, comme sa mère, pharmacienne, elle s’est mariée et a une petite fille. Basile est devenu professeur de français et enseigne cette matière dans son collège d’enfance. Faber lui est resté un marginal, qui vivote comme un clochard dans un chalet des Pyrénées après avoir tenter de faire la révolution avec des mouvements d’extrême gauche.
Nous allons alors les retrouver de nos jours dans cette ville de province, qui ressemble du point de vue architectural ou sociologique à n’importe quelle ville de province.
Il y a de belles descriptions de cette architecture citadine, semi urbaine, avec ces vieux quartiers centraux, ses quartiers de banlieue et ses zones commerciales, industrielles puis des champs et des forêts, qui deviennent alors des lieux d’aventure… Il y a aussi ces friches industrielles, ces ruines d’usines qui ne fonctionnent plus.
Il y a aussi un fonds policier dans ce roman. Les trois amis veulent se retrouver après tant d’années mais aussi régler des comptes.
Tristan Garcia décrit très bien l’ambiance de ces années et de ces villes moyennes avec cette classe ouvrière moyenne..
Mais que diable, qui est Diable rouge ?
Dans ce roman policier, je découvre un duo de détectives privés texans, pas piqués des vers.
Hap Collins et Leonard Pine sont succulents d’humour et de dérision.
Hap Collins est un blanc, vieillissant, qui commence à avoir des doutes sur sa carrière de détective privé et son avenir dans ce métier, qui n’est pas de tout repos. N’a t-il pas passé l’âge de faire le jeune avec des armes pour mener des enquêtes ? Ne devrait il plutôt vivre pépère avec Brett, sa maîtresse infirmière.
Mais il travaille en duo avec Leonard Pine, son
meilleur ami. Celui-ci est un noir américain, républicain, homosexuel, dont son ami vient de quitter et qui vient de s’acheter un tapabord, pour ressembler à Sherlock Homes, dont il vient de lire l’intégral des aventures et qui devient un modèle pour son travail.
Je ne sais pas vous, mais moi je ne connaissais pas le terme « tapabord ». Après une visite à mon dictionnaire, j’ai découvert que c’était un terme savant pour parler d’un chapeau. Et ce thème est récurrent dans ce roman.
Ce livre est rempli d’humour et nos deux compères sont de véritables pieds nickelés.
Leurs dialogues sont succulents.
Les personnes secondaires ne sont pas mal non plus. Leur patron, Marvin, les envoie sur une enquête, qui va leur faire découvrir le monde satanique. Ils vont retrouver aussi une vieille connaissance Vanilla Ride, une tueuse professionnelle, digne des James Bond girl, qui a une haine viscérale pour nos deux héros. Mais elle va peut être aidé Hap, car elle a un faible pour lui ?? !!
Je n’avais pas lu les ouvrages précédents où interviennent ces deux pieds nickelés.
On peut tout à fait lire « Diable rouge » sans avoir lu les précédents mais j’ai très envie de les retrouver dans leurs enquêtes précédentes.
Paz et les requins
Plonger, ce verbe est le titre de ce roman récit qui nous parle d’une belle histoire d’amour et comme le dit si bien la chanson les histoires d’amour finissent mal en général.
Je ne dévoile rien en vous disant que César, le narrateur, va devoir aller reconnaître le corps de Paz, qui s’est noyée dans les Emirats Arabes.
Il est journaliste culturel à Paris et croise un soir dans une épicerie de quartier Paz une belle asturienne, qui dévalise l’épicier de ses bombes nettoyantes. Des bombes pour nettoyer les objectifs des appareils photos. Après une enquête, il va découvrir qu’elle est photographe et va tout faire pour la rencontrer. Il va écrire un article élogieux sur son travail.
Ils vont alors vivre une belle histoire d’amour mais tumultueuse. Qui est vraiment Paz, elle est si assoiffée d’aventures alors que lui, a décidé de rester en Europe et de fréquenter les musées.
Christophe Ono Dit Biot nous parle très bien du désir.
De belles pages aussi sur l’art contemporain, sur des lieux magiques ou ordinaires. On a envie de déambuler dans les couloirs des musées, de prendre les chemins de bord de mer, de flaner dans les ruelles de Venise.
Ce livre nous parle de notre vie actuelle, de l’art contemporain, de la situation de l’Europe et du monde, de la vie individuelle face au monde.
Pourquoi plonger, car Paz meurt noyée mais aussi parce qu’ elle a un rapport particulier à l’eau. L’eau est quasiment présent dans tout le roman, que ce soit Paz, avec les cheveux mouillés en sortant d’une piscine parisienne, ou sur une plage asturienne ou italienne, que ce soit un soir de Biennale d’art contemporain à Venise, que ce soit de superbes pages sur la plongée, on s’y croirait. Que ce soit cette histoire d’adoption de requins, le premier fils de Paz. Eh oui, On peut adopter un requin et le suivre pendant sa vie.
Lors d’une rencontre, Christophe Ono Dit Biot a relativisé le danger des requins qui ne tuent pas autant de personnes. Doit’ on interdire les voitures après tous ces décès lors d’accidents de la route !!
Un enfant va naître de cette union et le narrateur écrit d’ailleurs ce livre pour son fils, pour lui laisser une trace sur la vie de sa mère.
Une écriture fluide, très imagée font de ce livre un plaisir de lecture. Des images jaillissent de certaines pages et on a envie d’aller découvrir ces lieux susceptibles de disparaître. D’ailleurs, le couple avait le projet d’écrire un livre sur les lieux susceptibles de disparaître en Europe.
On ressent un sentiment de nostalgie, le long des pages. J’ai beaucoup aimé le rapport au classique, que ce soit à la mythologie, à l’art classique ou à la littérature. Mais cette culture classique permet aussi d’appréhender l’art contemporain et des pages sur les galeristes et certains artistes contemporains sont très pertinentes et succulentes.
Ce livre m’a fait penser au livre d’Eric Reinhardt, Cendrillon, qui appréhende aussi nos sociétés d’un point de vue culturel. Il y avait d’ailleurs dans ce livre de Reinhardt de belles pages sur la danse contemporaine.
Ce narrateur ressemble étrangement à l’auteur, lui-même journaliste culturel dans un grand périodique français mais comme il le dit souvent en rencontre, Flaubert, un monsieur barbu était aussi Madame Bovary. ( !!)
Mais il y a des pages qui semblent si réalistes qu’on ne peut que penser que l’auteur-narrateur les a vécu.
Un livre sur notre époque, politique et culturelle avec une belle écriture. D’ailleurs, ce livre vient d’être primé par l’Académie Française, ce qui a beaucoup touché Christophe Ono Dit Biot.
Une belle découverte de cette rentrée littéraire et l’auteur a réussi à écrire un livre beaucoup plus abouti que ses précédents, Birmane par exemple.
Merci infiniment à entreelivre de m'avoir permis de lire ce livre