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À découvrir
Soleil de cendre
Happé, englouti, enseveli dans une fange de cendres, de gravats et d’eau, dans les ruines d’une Berlin désolée.
Happé par ce roman magnifique sur la fin d’un monde, la fin du monde, sur les relations entre les personnes dans l’adversité, la perversion et aussi l’entraide. Les liens filiaux, familiaux, de couple, terrassés par les évènements.
Berlin, de nos jours ?
Pour le meilleur comme pour le pire.
Après plusieurs années d’absence, Marika retrouve la ville où elle a tant de souvenirs. Son fils Solal va rencontrer son père Thomas.
Une canicule
à 45°C devenue habituelle, des manifestants pour le climat qui bloquent tout.
Un nuage créé par une éruption volcanique, assombrit Berlin. Une pluie de cendres s’abat sur la ville, la recouvre d’une épaisse croûte.
Un violent tremblement de terre en plein cœur de Berlin, la ville devient ruine.
Marika ne retrouve pas Solal. Son fils, son unique raison d’exister. Il est avec son père, un être irresponsable, perdu, brisé.
Une quête éperdue dans une ville nostalgique. Une Berlin détruite à rapprocher de la Berlin de 1945. Une nouvelle guerre se dessine, qui opposerait la Terre à la civilisation humaine destructrice.
Un face à face en quasi huis-clos absolument fascinant.
Deux amies qui ne se ressemblent pas autant qu'elles le croient...
Deux portraits fantastiques sur fond de lutte sociale.
Un titre qui m'a bien marqué... avec son sous-titre :
"Asta - Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde ?"
La vie d’Asta est rongée par les deuils. Ses morts composent cette saga, sa saga comme son histoire et de ceux d'avant elle. Sa mort aussi, beaucoup, puisqu'elle tente de se suicider à 20 ans, "un suicide raté" mais peut-on dire de quelqu'un qu'elle est ratée parce qu'elle a raté son suicide, comme le questionne le narrateur ? Le roman commence à peu près là-dessus. Commence, c'est beaucoup dire. Disons que c'est un élément de départ du livre qui prend
beaucoup de sens parce qu'il évoque les morts d'Asta, tous ses proches sont morts, pourquoi alors vivre ?
Pas gai, pourrait-on dire. Et pourtant, ce roman l'est. D'une certaine manière. Plein d'une gaieté certes mélancolique, qui reprend l’histoire d’Asta à travers celles de son entourage : ses parents, son père parti vivre en Norvège pour échapper à sa première femme, la mère d'Asta, cette mère instable, la sœur disparue d'Asta, la nourrice qui éleva Asta, la vieille fermière qui l’accueillit l’été de ses 15 ans, son ami d’enfance, son prof de théâtre même, ses propriétaires à Vienne... Sa fille, enfin.
Récit à la narration chorale, récit virevoltant, ancré dans les souvenirs des différents passagers de la vie d’Asta, par ses lettres qu'un mystérieux narrateur révèle jour après jour. Celui-ci se détache au fur et à mesure. Qui est-il ? Un écrivain, un biographe, un conteur, ce faisant, dévoile sa vie, l'histoire d'Asta mêlée à la grande histoire de l'Islande, chantée par les musiques, les fêtes, la sensualité, la poésie et la littérature, hantée par les mystères, les secrets, la folie, la misère et la solitude.
Un grand roman qui fait écho pour moi, tour à tour lecteur ébaubi, enthousiaste, paumé et enjoué, au non moins envoûtant « Dalva » de Jim Harrison. Dalva, Asta...
Une épopée policière et géopolitique, rythmée, sur les origines et l’apogée de Daech, à travers les regards d’une commandante de la DCRI toulousaine, d’une journaliste intrépide à la frontière turco-syrienne, d’un prof de lycée à Lunel, d’agents de la DGSE, retraités ou en actions, et de jeunes Tunisiens aux espoirs déçus par la révolution de jasmin et Ennahdha, de Salah Abdeslam, Mohammed Merah et les autres...
Un roman d’une actualité encore brûlante !
Une enquête drôle, réjouissante et acerbe, dans une grande station de ski où ont lieu des morts mystérieuses.
Un médecin dépressif en vacances s’y ennuie ferme alors que sa compagne batifole avec son moniteur de ski.
Le fait divers n’en est pas un pour le directeur de l’office du tourisme soucieux de tranquillité. Il intrigue néanmoins notre vacancier, qui entraîne avec lui une jeune journaliste locale dans une enquête rocambolesque. La relative quiétude de la station en sera vite troublée...
Arben a grandi dans le sud de l’Albanie, sous le joug du communisme et des vieilles traditions. Il devient adulte lorsque le pays retrouve sa liberté. Une liberté amère et éphémère. Il perd ses parents dans un accident, ses projets d’études et ses rêves de grandeur alors que le régime démocratique découvre le capitalisme non régulé.
Simplement pour survivre, à l’aide de petits boulots de plus en plus gros, il n’a rien à perdre et tout à gagner. Son rêve est de partir, quitter cet enfer où l’argent n’est pas aussi facile qu’il en a l’air… De gamin il devient
époux et père, il était innocent et il a bientôt du sang sur les mains.
Arben revient vingt années après son départ, vingt années après le drame. Après avoir survécu. Il ne revient pas pour se recueillir sur la terre de ses origines. Il veut défier le passé, l’esprit de sa jeunesse. Il cherche la rédemption.
Arben trouvera la folie, la folie d’un homme perdu à jamais entre ses démons.
Un roman noir, âpre et magnifique, sur les espoirs et les déceptions, une critique sociale et politique de l’Albanie, de ceux qui l’ont faite, ceux qui l’ont détruite et ceux qui essaient de la relever.
Avec une maîtrise de la langue et un sens du récit, Jérôme Leroy nous emmène avec "Jugan" dans une petite ville de la lande normande. Il cherche à comprendre les secrets de Joël Jugan, anciennement un charismatique militant radical d'Action Rouge sorti de 18 ans de prison. Un physique difforme, monstrueux, un magnétisme qui semble envoûter tout le monde autour de lui, dont une jeune femme de l'entourage du narrateur, attirée comme un aimant. Jugan a bouleversé des vies dans le passé et il sera compliqué de trouver la rédemption...
Ce n'est pas l'importance de la découverte du punk rock qui fait de ce roman une illustration du punk rock des années 90 à Chicago (et globalement dans le monde), mais la prise de conscience d'un ado sur sa société et les rapports de classe au lycée, dans les rues résidentielles, au centre commercial, qui le font devenir un punk, alors qu'il n'en a lui-même rien à foutre.
Ce que cherche Brian Oswald, c'est la reconnaissance des filles, des bandes de lycéens, c'est trouver le meilleur nom de groupe de métal qui le rendra célèbre alors qu'il n'est pas musicien (comme si d'avoir le
nom, générera automatiquement la musique et la gloire). Sa meilleure copine Gretchen écoute du punk-rock, il aime bien les compilations qu'elle lui fait sur cassettes, mais pour les valeurs qu'ils leur prêtent : l'amour, l'amitié, le deuil, la colère, etc, pas pour la musique des Clash qui est derrière. Lui vibre au son des Guns 'n' Roses. Le look, les couleurs de cheveux, c'est amusant, mais ça ne fait pas tripper le gamin. Ce que veut Brian Oswald c'est du sexe, c'est être amoureux, c'est faire la fête ou se payer son van. C'est surtout comprendre la relation entre les individus, entre les groupes, c'est comprendre sa société. Ses parents qui se séparent, le père de Gretchen qui a perdu sa femme, sa petite copine Dorie, le petit caïd qui a fait de lui son souffre-douleur, le pote noir qui ne joue pas au basket mais écoute du jazz, c'est prendre conscience des revendications sociales et culturelles d'une classe minoritaire encore ségrégée.
Si la musique est importante, ce n'est pas tant le punk rock tout au long du roman que toutes les formes de musiques, ou presque, auxquelles l'auteur rend hommage. Ce n'est qu'à ses dépens que Brian Oswald va apprendre comment tourne le monde, et en devenant punk qu'il va s'y confronter, lorsque le punk-rock prendra tout son sens à ses oreilles.
Un grand roman d'initiation, une pâte fine et d'une justesse incroyable sur l'adolescence, sur la (les) culture(s) punk.
Le Terroriste joyeux c'est un dialogue entre deux hommes que tout oppose : un terroriste et le policier qui l’interroge.
Malgré ce à quoi nous pourrions nous attendre, la dualité n’est pas là où elle était attendue…
Un jeu de rhétorique absurde s'engage entre l'interrogateur et le prisonnier. C'est comme si tour à tour et réciproquement, ils échangeaient leurs places avant de la reprendre. Un jeu auquel semble plus attaché le terroriste dit joyeux et que l'interrogateur suit par contrainte, puis par jeu peut-être, en toute inconscience. Cela ne se passe donc pas comme l'avait
décidé l'enquêteur. La suite lui prouvera qu'en effet, il n'avait rien prévu... mais le sait-il seulement ?
Ce court roman, questionne les rapports de force, sociaux, économiques, ethniques, mais aussi littéraires tant est portée à son paroxysme chez l'auteur, l'art et la manière d'utiliser les mots.
Pas aussi déjanté malgré ce que laisse penser le début du dialogue (extrait du dialogue du début : "C'est précisément pour cette raison que nous ne l'appelons pas torture./ Ah. Malin./Merci. Et quoi qu'il en soit, ne vous inquiétez pas, tout se fait en douceur.../Je comprends./... rien que des choses qui ne laissent pas de marques trop visibles./Par exemple? On peut savoir?/Par exemple? On peut savoir?!/Les pratiques. Qui ne laissent pas de marques visibles./Ah. Eh bien, par exemple, mettre du heavy metal à fond...") Le texte est en outre, bel et bien absurde, et d'une profondeur vertigineuse, aussi bien dans le fond, par le choix du sujet abordé (le Terroriste joyeux, donc, mais aussi bavard et affable), que dans la forme, à travers ce simple et long dialogue dans lequel les personnages ne sont ni identifiés ni identifiables et dans lequel, par conséquence, tout est permis.
Un titre français qui n'est pas sans évoquer, dans un hommage flagrant de l'auteur, de sa traductrice et de ses éditeurs, "Le banquier anarchiste" du compatriote Fernando Pessoa (titre original 'Osso', "os" semble-t-il, quel sens peut-on donner à cela ? Non-sens peut-être).
Le court texte qui suit s'intitule, lui, "Le virus de l'écriture" et nous fait croire, l'espace de quelques pages, à un apocalypse d'un nouveau genre : l'écriture a envahi les peuples du monde. Tous, du bébé au vieillard, du médecin au chauffeur de taxi. Tous écrivent. La société se dérègle car personne n'agit plus pour la faire tourner : tous écrivent. Le narrateur, seul, lance un appel... à ceux qui lisent encore.
Fatale, envoûtante, cette nouvelle décoiffe son lecteur. Et pour peu qu'il ait été atteint par le virus de l'écriture... retenez-le de continuer...
Deux traductions magnifiques du portugais par Maira Muchnik
Agullo éditions, 14,90€, paru le 22 août 2019
Les fusils sont sortis
[Rentrée littéraire/ Sortie politique]
Personne ne sort les fusils, Sandra Lucbert, éd. Seuil
Le "procès" [des dirigeants] de France Télécom comme une pièce de théâtre, une comédie jouée d'avance. Un système managérial qui a écrasé pendant des années les salariés dans le but de les vider, au nombre de 20 000. Plusieurs dizaines qui se tuent, des familles qui ont tout perdu, qui veulent au moins faire reconnaitre leur tort aux tortionnaires (oui oui). Mais ça ne fonctionnera pas, les prévenus sont trop sûrs d'eux, de leur bon droit, de l'assentiment de tous. Ce système mis en place dès le début des années 2000, c'est le Progrès, et ces dirigeants, ces exploiteurs, en sont les parangons. Rien ne peut les atteindre ; verdict : quelques mois de prison avec sursis, 15000€ d'amende quand on en gagne plusieurs centaines de milliers par an, c'est quoi ? "Cette histoire de suicides c'est terrible, ils ont gâché la fête" en dit le P-DG. Une comédie vous dis-je. Ces prévenus, lors du procès, rient ouvertement pleins du dédain de classe.
Sandra Lucbert était présente. Elle note elle réécrit le procès, dont elle déteste le langage, la novlangue du capitalisme. Sa langue ? La littérature.
Personne ne sort les fusils car tout le monde baisse les bras, on ne peut rien devant le néolibéralisme, le Progrès. Toutes vos révolutions ne peuvent rien. Heureusement, il y a la littérature pour rendre aux choses ce qu'elles sont véritablement : un drame. Et donner de l'espoir.
Merci Sandra Lucbert.
Personne ne sort les fusils, éd. Seuil "Fiction & Cie", août 2020, 15€, jetez-vous dessus