Marius Borgeaud

La publication du catalogue raisonné de l'œuvre de Marius Borgeaud, " Vaudois de Paris ", né à Lausanne en 1861, s'inscrit dans le prolongement de la monographie parue aux Editions du Verseau en 1993, qui donnait à voir une centaine de tableaux de ce peintre suisse reconnu comme un des plus importants de sa génération. Préfacé par Jacques Monnier-Raball, critique et ancien directeur de l'Ecole cantonale d'art de Lausanne, le présent ouvrage a une double fonction : celle de recenser toutes les œuvres de l'artiste connues à ce jour et celle de les faire apparaître dans leur chronologie. S'y ajoute bien entendu l'aspect analytique qui, en l'occurrence, dissipe maintes zones d'ombre et surtout établit des corrélations aussi fécondes qu'inattendues. C'est à l'historien de l'art Bernard Wyder, ancien conservateur au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, qu'échoit la tâche de cette mise en perspective révélant près de trois cents œuvres de celui dont la carrière artistique se passa essentiellement entre Paris et la Bretagne, livrant de cette dernière un visage tout sauf anecdotique. Ayant fait ses armes, au tournant du siècle, à l'Atelier Cormon à Paris, Borgeaud s'en va dans le Poitou, puis très tôt en Bretagne, qui deviendra sa terre d'élection, avec pour principales étapes Rochefort-en-Terre, Le Faouët et Audierne. Bien qu'influencé par l'impressionnisme, il ne tarde pas à acquérir un style ne ressemblant à aucun autre, une sorte de peinture synthétique, faite le plus souvent d'à-plats, nourrie par une évidente passion pour les Intérieurs. C'est à partir des expositions parisiennes chez Blot et Druet, dès 1917, que le peintre connaît la notoriété. Celle-ci ira grandissante, jusqu'à sa disparition à Paris, en 1924. En Suisse, parmi les musées possédant des œuvres de Marius Borgeaud, deux d'entre eux s'illustrent par l'importance de leur collection : le Musée des Beaux-Arts de Lausanne et celui de Pully. Par ailleurs, plus de deux cents toiles demeurent encore en mains privées. Dans l'Hexagone, les Musées de Laval, Nantes, Poitiers, Pont-de-Vaux, Vannes et le Château de Rochefort-en-Terre abritent une ou plusieurs toiles de l'artiste. L'émergence relativement tardive de l'œuvre du peintre s'expliquerait par une volonté exprimée par Marius Borgeaud sur son lit de mort, selon laquelle il ne fallait montrer ses tableaux que vingt ans après son décès. En dehors de quelques expositions commémoratives ou furtives, ces toiles ne furent présentées en public qu'à partir de 1942, la première fois à Lausanne, au Musée Arlaud. A l'époque, les amateurs ne se pressèrent guère au portillon. Il faudra attendre le milieu des années 50 pour que les compatriotes de l'artiste manifestent leur intérêt. On observe aujourd'hui un véritable engouement pour la peinture de ce presque contemporain de Félix Vallotton, dont l'expression artistique a passé " du pittoresque à l'intemporel " comme le relève, non sans pertinence, l'auteur du présent catalogue. Jacques Dominique Rouiller