C’est sous un format PDF que je découvre ce livre, mais une fois surmonté ce détail, j’ai laissé les mots de Jérôme Ferrari m’envahir.
Chronique familiale sur plusieurs générations ? Oui, mais pas seulement. Chronique sur l’impossibilité de vivre sa vie rêvée ou de rêver sa vraie vie ? Également. Chronique sur l’inéluctable fin des mondes ? Aussi. Il y a tout ceci dans « le sermon sur la chute de Rome » avec en plus et non des moindres, le style de l’auteur. Certaines descriptions sont superbes.
« Mais nous savons ceci : pour qu’une monde nouveau surgisse,
il faut d’abord que meure un monde ancien. Et nous savons aussi que l’intervalle qui le sépare peut être infiniment cours ou au contraire si long que les hommes doivent apprendre pendant des dizaines d’années à vivre dans la désolation pou découvrir immanquablement qu’ils en sont incapables et qu’au bout du compte, ils n’ont pas vécu. »
Nous sommes en Corse. Marcel, vieil homme aigri, égrène ses souvenirs lui qui n’a jamais pu réaliser son rêve de s’élever dans la société. Il y eut toujours un obstacle insurmontable et il restera définitivement en marge de sa vie. Son retour au Pays n’est pas ce qu’il aurait voulu et il passe son temps à contempler une vieille photo sur laquelle il ne figure même pas. Le vide est sa vie. Le souvenir de la scène avec la putain, crue et pleine de désespoir suivra Marcel comme une trace honteuse. C’est presque un résumé de sa vie, toujours cette honte qu’il traînera.
Par contre, il sera le coup de pouce et permettra à son petit-fils de revenir s’établir dans la Corse que ses parents, cousins germains, ont fui. Matthieu et Libero prennent un bar dans leur village. A partir de cet instant, à eux la belle vie avec des serveuses accortes, l’alcool coulant à flots. Voici ce qu’ils étaient devenus, alcooliques, fêtards, je-m’en-foutismes, égoïstes, cyniques…la nuit de veillée du jeudi saint les dépeint très bien. Puis le livre s’enflamme et tout va crescendo jusqu’au coup de pistolet final.
Matthieu croyait servir son rêve alors que, comme le dit sa sœur Aurélie « il demeurerait pour toujours la petite merde en laquelle il s’était métamorphosé en un temps record, avec un talent qui forçait l’admiration, elle était prête à le reconnaître et personne ne pourrait plus l’aider car il serait trop tard, et les jérémiades lui seraient interdites, comme le confort des regrets… »
Pour clore ce livre le sermon de Saint Augustin que Jérôme Ferrari nous rend si facile et agréable à lire. Il permet une focalisation sur la fin des mondes, la faillite des vies de Matthieu et Marcel, entres autres. Ce sermon garde toute sa modernité alors que, soi-disant, nous serions à la fin d’un monde.
Un livre fort, un style différent et peu banal. Je n’avais pas de résumé, ne suis pas allée à sa recherche et ce fut, de bout en bout, une bonne découverte.
Ecriture virtuose
Marcel naît en 1918 dans un village corse perdu dans les montagnes, des décennies plus tard son petit fils Matthieu qui n'a jamais grandi en Corse revient tenir un bar tandis que sa soeur Aurélie travaille en Algérie sur un chantier archéologique. A travers ces trois personnages à la poursuite de mondes qui s'éteignent Jérôme Ferrari fait revivre l'histoire d'une famille sur 3 générations avec Saint Augustin et son sermon sur la chute de Rome en toile de fond.
Au delà de la saga familiale, c'est l'écriture magnifique qu'il faut saluer: voilà un auteur qui joue avec le français avec talent !