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"En général, le langage et la parole ont pour enjeu de nouer
des liens entre les hommes. Communiquer en résume la
fonction vitale. Le langage est un médiateur puissant, le plus
puissant sans doute, de la communication humaine. Cette
conception n'est cependant que l'exigence d'une certaine
expérience, certes la plus répandue, mais pas la seule. Le
projet d'une sémiotique insigne, une manière de "détruire" le
langage, existe sous des formes variées, même si ce n'est pas
sous celle d'un savoir institué.
Des poètes, des "fous ", se sont
attaqués au langage pour le détruire, avant qu'ils ne le soient
eux-mêmes par lui. De cette expérience nous gardons les
traces d'un combat terrible et d'une défaite humiliante. Ils ne
sont pas parvenus à détruire le langage, malgré une sagacité
hors du commun face à lui. L'entreprise est apparue insensée
car plusieurs y ont rencontré la mort. C'est dire que détruire
n'est pas une de ces tâches dont on s'acquitte facilement: elle
met en balance sa propre existence.
Mais il y a au moins une
autre expérience possible du langage, une expérience limite,
celle de l'insensibilité, de l'insensé et de l'ignorance, qui
reconduit le soi au bord de lui-même où il se dessaisit de ce
qu'il vient de dire et met en question le pouvoir même
d'énoncer. Le langage n'est, là, soumis à aucune exigence,
n'étant porteur d'aucune médiation. Il n'est entremetteur de
rien, ni échange réciproque ni arbitrage.
La communication ne
semble pas passer, la relation promise et espérée ne s'établit
pas. On entre alors au coeur du langage, au plus profond de
lui, là où il se refuse à lui-même. C'est cette expérience que
nous allons privilégier dans l'étude de l'absurde." (L. O.)