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Pourquoi sommes-nous passés de la question de la philosophie classique : que suis-je ? - une chose pensante -, à celle des premiers cliniciens de la fin du XIXe qui se demandaient : qui suis-je ? - une conscience gouvernée par un inconscient -, pour finir par l'interrogation prosaïque de la littérature contemporaine : suis-je ?- mon ego est ma demeure ? Comment comprendre la profusion actuelle de ces écritures du soi qui s'enferment dans les embarras sentimentaux de leur auteur ? Ecritures souvent à soi, sur soi, par soi et pour soi.
Dans son journal intime, ses carnets personnels, ses confessions, son autobiographie, ses mémoires, ses souvenirs, l'écrivain n'est il pas tenté d'interdire toute présence étrangère en projetant, souvent par faiblesse, " ses émotions sur le papier " ? L'écriture n'est elle pas, par nature, un lieu d'effacement, un lieu d'hospitalité, un lieu dans lequel l'écrivain se met en suspension pour accueillir d'autres que lui.
Si l'hospitalité est un accueil qui peut être recueil, l'accueil peut aussi vite devenir un écueil lorsque la présence de l'autre est vécue comme une remise en cause de soi. Antonin Artaud, en écrivant sur lui pour les autres, nous donne l'exemple d'une écriture ouverte sur le monde qui cherche à retrouver les qualités premières de l'homme.
S'écrire et s'accueillir, un vecteur de vie et de sens infinis…
Bellement écrit, présenté, typographié façon calligraphie, ce petit livre demande des efforts physiques (avec un coupe papier) et de concentration : il requiert le silence et du temps, comme la lecture de toute poésie. Il s'agit également d'un essai philosophique au sujet du sujet, justement. Quand celui qui écrit est aussi celui au sujet duquel il est écrit, comme chez A.Artaud, et qu'Alain Milon nous guide, cela donne ce texte vertigineux qui cotoie le vide sans jamais y tomber. Aussi loin que possible des images préfabriquées, ce travail d'élucidation des rapports entre le langage écrit et l'etre convoque les "corps sans organe" de Deleuze, le "toasting" de IAM, le mythe de Narcisse, les "Tropismes" de Sarraute, les livres de Bataille et le lecteur, pour une célébration paienne de la littérature toute en délicatesse. Précieux.