En prenant la décision de raconter cette vie de solitude et d'imposture, Emmanuel Carrère savait qu'il pouvait ne pas être compris de ses lecteurs. C'est pourtant ce qu'il a tenté de faire, à travers une écriture souvent simple mais d'une puissance évocatrice rare : appréhender une vie de mensonges, l'enfermement et le geste irréparable. Sans empathie mais avec le désir de comprendre, il a contacté Jean-Claure Romand, a correspondu avec lui et a tenté de trouver sa place d'écrivain confronté à l'acte de tuer, à la justice et à l'incarcération.
Si la démarche de l'auteur peut
surprendre, elle s'entend grâce à une écriture sincère et franche. Le malaise suscité par cet homme, la fascination qu'il a pu exercer sont autant d'arguments qui, au-delà de l'acte répréhensible, évoquent l'expérience humaine, celle qui touche l'être humain dans ses croyances, sa moralité et ses peurs les plus profondes.
Une lecture souvent éprouvante, toujours effrayante, mais qui parvient par une démarche documentée et honnête à susciter l'interrogation. Le point de vue de l'écrivain restant finalement objectif et ses sources multiples.
Une oeuvre difficile à lire par son contenu, mais fascinante par la démarche de l'écrivain parvenu à en faire une oeuvre terriblement humaine aux multiples points de vue.
http://art-enciel.over-blog.com/2013/11/l-adversaire-d-emmanuel-carr%C3%A8re.html
Tenter de comprendre la folie d'un homme
Le fait divers est resté tristement célèbre dans nos mémoires : après avoir menti à tout le monde pendant plus de 15 ans sur sa vie réelle, Jean Claude Romand tue sa famille et tente ensuite de se donner la mort, sans succès. Emmanuel Carrère nous raconte cette sombre histoire comme un journal de bord, en notant ses impressions intimes en même temps que le récit se déroule. Ainsi, le lecteur sait tout du cheminement personnel de l’auteur : de ses doutes au moment de l’écriture, du malaise qu’il éprouve lorsqu’il se reconnait dans le personnage, et surtout de son interrogation constante sur la légitimité d’entreprendre une telle démarche. Cet entrelacement entre les deux trajectoires – celles de l’écrivain et de l’assassin – nous permet d’approcher au plus près la personnalité de J.-C. Romand pour tenter de saisir les motivations de son acte criminel, le moment où tout bascule... Il donne au livre, si besoin en était, sa pleine et entière justification (par rapport au film notamment qui occulte complètement cet aspect).