Armée et politique en Haïti

Mise sur pied en 1916 par les Etats-Unis à titre de formation supplétive indigène, l'armée régulière exerce en Haïti une activité polyvalente qui la conduit à jouer un rôle déterminant dans la survie du régime actuel. Inadaptée à la sécurité extérieure du pays et, de surcroît, fort onéreuse, l'institution militaire fait obstacle à l'essor des courants politiques progressistes, elle se révèle l'instrument de défense aveugle d'un ordre social inégalitaire fondé sur la domination et l'exploitation du paysannat et des groupes urbains défavorisés.
La réforme radicale des structures militaires existantes exige des conditions, en particulier la levée de l'hypothèque des forces politiques conservatrices, l'atténuation de la dépendance du pays vis-à-vis des centres d'hégémonie extérieurs et l'avènement d'un régime acquis aux indispensables mutations politiques, économiques et sociales qui conditionnent la survie même de la nation haïtienne. Les données de la situation présente, notamment l'écrasante supériorité des forces de l'axe Port-au-Prince/Washington, n'autorisent aucun optimisme excessif.
Mais certains précédents historiques et l'exemple récent de la révolution sandiniste, au Nicaragua, laissent cependant présumer qu'en se réunissant dans une structure d'action collective de type unitaire, les courants démocratiques et progressistes peuvent changer le statu quo. Tout compte fait, le régime politique actuel n'est redevable de sa survie qu'à la division et à la faiblesse de ses adversaires.
L'heure n'est-elle pas venue de relever ce défi ?