Dans la série « Mais il est où l’inédit posthume de Machin ? » je demande… James M. Cain ! « Bloody Cocktail » est donc son ultime inédit, écrit mais pas finalisé, dans les deux dernières années de sa vie (milieu des années 70, 1900 of course). La version proposée est le fruit du travail de l’éditeur américain qui a lu et relu toutes les versions laissées par James M. Cain.
Joan est une jeune femme, tombée enceinte avec un certain Ron qui s’est retrouvé obligé de l’épouser et de conserver cet enfant. Ron déteste et la mère et l’enfant, sombre dans l’alcool
et les frappe tous deux. Un soir, rentrant ivre d’une soirée, il est mis à la porte par Joan, prend sa voiture et percute une pile de pont. Ron laisse une jeune veuve avec des dettes, un enfant qu’elle ne peut entretenir dans une maison privée d’électricité, d’eau, de téléphone. Sa belle-sœur, qui la déteste et est persuadée qu’elle a fomentée la mort de son mari, propose à Joan de garder son fils le temps qu’elle se retourne, trouve un travail, etc… La plastique plus qu’avantageuse de Joan la conduira presque naturellement à devenir serveuse dans un bar à cocktail. Elle y fera connaissance d’Earl K. White III, vieux célibataire aux pourboires généreux et à la fortune pléthorique, et de Tom Barclay, beau jeune homme ambitieux bourré d’idées à défaut d’argent.
Joan est LA figure emblématique de la vamp des années 60-70 : plantureuse, des jambes à damner un saint, un peu d’esprit, un air débrouillard… Cette femme est protraitisée sous forme de caricature tout comme le sont les situations et les autres personnages de Cain qui joue la carte de l’outrance et de l’exagération avec pour effet, à la fois, de mieux souligner l’aspect sordide de son histoire et de mieux la rendre dérisoire et grotesque.
Joan est tiraillée entre Earl, riche qui lui permettra, pense-t-elle, d’assurer un train de vie à son fils et de le récupérer, et Tom, figure du prince charmant qui excite Joan… Les deux ne sont finalement que chimères : Earl parce qu’il est manipulé par Joan qui n’hésite pas à jouer de ses charmes pour l’attirer dans les mailles du mariage avec toujours à l’esprit le fait de ne jamais consommer et parce qu’il n’en est pas moins un vieillard libidineux qui bave devant les attraits de Joan, Tom parce qu’il est tout autant bassement attiré physiquement par Joan et qu’il n’a aucun, en dehors de son charisme esthétique naturel, des attributs du prince charmant. C’est un roman sur des apparences qui n’en sont que plus cruellement trompeuses.
Ce qui est presque touchant dans cette histoire c’est la naïveté avec laquelle Joan avoue le côté machiavélique et calculateur de son plan visant à capter l’héritage d’Earl tout en se préservant pour Tom. Les situations dans lesquelles se met Joan sont finalement, et malgré ce qu’elle tente de nous faire croire (le récit est à la première personne…), toutes ce dont elles ont l’apparence. Joan craint de passer pour une prostituée en se commettant en serveuse aguicheuse et de ne pas pouvoir récupérer son fils à cause de mœurs contraires à la bonne éducation d’un enfant : c’est quand même ce qu’elle est en jouant de ses seins et de ses jambes pour prendre Earl dans ses filets même si elle n’a aucune intention de consommer son mariage. Joan craint qu’on pense qu’elle n’a épousé Earl que pour son argent avec la ferme intention de le récupérer naturellement ou en forçant le destin : elle avoue elle-même ne penser qu’à l’argent et ne fait rien pour éviter de faire croire qu’elle a assassiné son vieux mari. C’est un roman sur des apparences qui n’en sont finalement pas vraiment.
J’avoue ma méconnaissance totale des précédents livres de James M. Cain mais force est de constater que si le style n’est pas digne d’un Thompson par exemple, Cain maîtrise son propos et déroule parfaitement son histoire de façon crescendo pour hausser constamment le niveau de turpitude de ses personnages. Earl passe tout d’abord pour un généreux bienfaiteur, certes pas insensible aux charmes de Joan mais animé des meilleurs intentions avant de littéralement baver devant le corps de sa femme au point de ne pas maîtriser ses pulsions sexuelles. Joan, sans être une blanche colombe puisque son attitude vis-à-vis de son premier mari n’est pas empreinte d’une certaine ambivalence coupable, passe de veuve éplorée et ruinée à vamp froidement calculatrice en moins de temps qu’il n’en faut à Arturo Brachetti pour changer de tenue sur scène.
De plus, Cain entretient habilement l’ambiguïté quant à la culpabilité ou non de Joan dans la mort de ses maris et amant (jamais une héroïne n’aura autant mérité le qualificatif de « femme fatale » que cette Joan…). Car ce livre n’est que la confession/témoignage de Joan, son propre point de vue de sa propre histoire. Comment ne pas alors douter de ce que Joan raconte ? Comment ne pas imaginer que sa présentation des faits est forcément orientée pour attester de son innocence ? Le lecteur est ainsi forcément contraint de s’en remettre à la décision de la justice qui l’acquitte « faute de preuves suffisantes » !
La couverture est enfin aussi une réussite rendant bien compte de toutes ces ambivalences (la vamp incendiaire, le client libidineux) en mettant qui plus est le lecteur à la place du dit client dans un rôle de voyeur impudique qui se délecte de ce qu’il découvre.
Je suis très vite passé de sceptique (le côté « inédit » de l’auteur mort qui n’a pas son mot à dire sur les choix opérés par l’éditeur, le fait qu’il faut quelques pages de mise en place, le temps de planter le décor entre tous les protagonistes) à sincèrement pris par cette histoire de veuleries en cascades où la cupidité des un(e)s ne le cède en rien à la grivoiserie et aux obsessions des autres (hommes et femmes confondus).
Le lien vers le blog : https://garoupe.wordpress.com/2014/09/19/bloody-cocktail-james-m-cain-service-de-presse/
Il faut toujours se méfier des blondes à forte poitrine !
Dans la série « Mais il est où l’inédit posthume de Machin ? » je demande… James M. Cain ! « Bloody Cocktail » est donc son ultime inédit, écrit mais pas finalisé, dans les deux dernières années de sa vie (milieu des années 70, 1900 of course). La version proposée est le fruit du travail de l’éditeur américain qui a lu et relu toutes les versions laissées par James M. Cain.
Joan est une jeune femme, tombée enceinte avec un certain Ron qui s’est retrouvé obligé de l’épouser et de conserver cet enfant. Ron déteste et la mère et l’enfant, sombre dans l’alcool et les frappe tous deux. Un soir, rentrant ivre d’une soirée, il est mis à la porte par Joan, prend sa voiture et percute une pile de pont. Ron laisse une jeune veuve avec des dettes, un enfant qu’elle ne peut entretenir dans une maison privée d’électricité, d’eau, de téléphone. Sa belle-sœur, qui la déteste et est persuadée qu’elle a fomentée la mort de son mari, propose à Joan de garder son fils le temps qu’elle se retourne, trouve un travail, etc… La plastique plus qu’avantageuse de Joan la conduira presque naturellement à devenir serveuse dans un bar à cocktail. Elle y fera connaissance d’Earl K. White III, vieux célibataire aux pourboires généreux et à la fortune pléthorique, et de Tom Barclay, beau jeune homme ambitieux bourré d’idées à défaut d’argent.
Joan est LA figure emblématique de la vamp des années 60-70 : plantureuse, des jambes à damner un saint, un peu d’esprit, un air débrouillard… Cette femme est protraitisée sous forme de caricature tout comme le sont les situations et les autres personnages de Cain qui joue la carte de l’outrance et de l’exagération avec pour effet, à la fois, de mieux souligner l’aspect sordide de son histoire et de mieux la rendre dérisoire et grotesque.
Joan est tiraillée entre Earl, riche qui lui permettra, pense-t-elle, d’assurer un train de vie à son fils et de le récupérer, et Tom, figure du prince charmant qui excite Joan… Les deux ne sont finalement que chimères : Earl parce qu’il est manipulé par Joan qui n’hésite pas à jouer de ses charmes pour l’attirer dans les mailles du mariage avec toujours à l’esprit le fait de ne jamais consommer et parce qu’il n’en est pas moins un vieillard libidineux qui bave devant les attraits de Joan, Tom parce qu’il est tout autant bassement attiré physiquement par Joan et qu’il n’a aucun, en dehors de son charisme esthétique naturel, des attributs du prince charmant. C’est un roman sur des apparences qui n’en sont que plus cruellement trompeuses.
Ce qui est presque touchant dans cette histoire c’est la naïveté avec laquelle Joan avoue le côté machiavélique et calculateur de son plan visant à capter l’héritage d’Earl tout en se préservant pour Tom. Les situations dans lesquelles se met Joan sont finalement, et malgré ce qu’elle tente de nous faire croire (le récit est à la première personne…), toutes ce dont elles ont l’apparence. Joan craint de passer pour une prostituée en se commettant en serveuse aguicheuse et de ne pas pouvoir récupérer son fils à cause de mœurs contraires à la bonne éducation d’un enfant : c’est quand même ce qu’elle est en jouant de ses seins et de ses jambes pour prendre Earl dans ses filets même si elle n’a aucune intention de consommer son mariage. Joan craint qu’on pense qu’elle n’a épousé Earl que pour son argent avec la ferme intention de le récupérer naturellement ou en forçant le destin : elle avoue elle-même ne penser qu’à l’argent et ne fait rien pour éviter de faire croire qu’elle a assassiné son vieux mari. C’est un roman sur des apparences qui n’en sont finalement pas vraiment.
J’avoue ma méconnaissance totale des précédents livres de James M. Cain mais force est de constater que si le style n’est pas digne d’un Thompson par exemple, Cain maîtrise son propos et déroule parfaitement son histoire de façon crescendo pour hausser constamment le niveau de turpitude de ses personnages. Earl passe tout d’abord pour un généreux bienfaiteur, certes pas insensible aux charmes de Joan mais animé des meilleurs intentions avant de littéralement baver devant le corps de sa femme au point de ne pas maîtriser ses pulsions sexuelles. Joan, sans être une blanche colombe puisque son attitude vis-à-vis de son premier mari n’est pas empreinte d’une certaine ambivalence coupable, passe de veuve éplorée et ruinée à vamp froidement calculatrice en moins de temps qu’il n’en faut à Arturo Brachetti pour changer de tenue sur scène.
De plus, Cain entretient habilement l’ambiguïté quant à la culpabilité ou non de Joan dans la mort de ses maris et amant (jamais une héroïne n’aura autant mérité le qualificatif de « femme fatale » que cette Joan…). Car ce livre n’est que la confession/témoignage de Joan, son propre point de vue de sa propre histoire. Comment ne pas alors douter de ce que Joan raconte ? Comment ne pas imaginer que sa présentation des faits est forcément orientée pour attester de son innocence ? Le lecteur est ainsi forcément contraint de s’en remettre à la décision de la justice qui l’acquitte « faute de preuves suffisantes » !
La couverture est enfin aussi une réussite rendant bien compte de toutes ces ambivalences (la vamp incendiaire, le client libidineux) en mettant qui plus est le lecteur à la place du dit client dans un rôle de voyeur impudique qui se délecte de ce qu’il découvre.
Je suis très vite passé de sceptique (le côté « inédit » de l’auteur mort qui n’a pas son mot à dire sur les choix opérés par l’éditeur, le fait qu’il faut quelques pages de mise en place, le temps de planter le décor entre tous les protagonistes) à sincèrement pris par cette histoire de veuleries en cascades où la cupidité des un(e)s ne le cède en rien à la grivoiserie et aux obsessions des autres (hommes et femmes confondus).
Le lien vers le blog : https://garoupe.wordpress.com/2014/09/19/bloody-cocktail-james-m-cain-service-de-presse/