Gouri sur sa moto, avec une petite remorque accrochée, file sur une route russe en direction de Pripiat, ville fantôme par la « grâce » de l’accident nucléaire de Tchernobyl. Il veut absolument récupérer la porte de la chambre où sa fille Ksenia a fait des dessins.
Tous ces risques pour ça me direz-vous ! Et bien oui et non. Les souvenirs sont accrochés à cette porte. Et puis, il va s’arrêter en chemin, juste avant la zone interdite, chez ses amis Vera et Iakov. Iakov, comme lui était un liquidateur et il en a payé le prix fort. Autour d’un repas, ils feront remonter le
temps, se rappelleront les bons moments. A la nuit tombée, Gouri repartira pour Pripiat avec pour protection un simple mouchoir noué sur la bouche. Cette zone est gardée par les soldats et fréquentée par des bandes de voleurs, une zone de violence. Arrivé sur la place devant son ancien appartement, il se souvient de l’époque heureuse où la grande roue, les autos tamponneuses animaient la fête du 1er mai.
Maintenant, il est écrivain public à Kiev, il a eu de la chance de dégoter cet emploi, sa fille Ksenia est très gravement malade, ses amis meurent des suites d’irradiation. Alors, il aidera Iakov à écrire sa lettre d’amour, sa lettre d’adieu à Vera.
Ce livre, très court, est empli d’une belle humanité sur un décor d’apocalypse. Pas de bavardage inutile, pas de phrases grandiloquentes, on sent les silences dont celui de la forêt percé par les chants d’oiseaux. Antoine Choplin m’a séduite. Je vais oser un de mes mauvais jeux de mots : Ce livre irradie d’humanité et de tendresse.
Voyage au bout de la nuit
Les éditions de la fosse aux ours (maison d'édition lyonnaise) nous offre à lire avec ce dernier livre d'Antoine Choplin un véritable conte moderne. Il touche par un lieu connu de nous tous à une zone géographique de notre imagination où le mystère, la peur, la curiosité s'auto-alimentent, se nourrissent de tous ce qu'elle peut apprendre de ce lieu habitant nos mémoires et que la moindre information enrichit sans cesse. Les histoires, les légendes, les mythologies naissent encore dans les endroits les plus inédits, interdits et normalement inhabités. Il suffit pour cela de traverser une nuit, un paysage, d'y rencontrer ses habitants et de s'imprégner de ce qui se dit et de ce que l'on ressent ou tait dans ce monde d'après l'accident... La vie y continue, se raconte, accompagne ce voyageur qui recueille ces paroles,ces expériences, devient malgré lui notre témoin par son ancienne fonction(écrivain public) et à la fin de cette nuit, touchant son but, de retour dans sa ville aujourd'hui fantôme et inhabitée livrera lui-même son sentiment, son impression. C'est presque à une nouvelle littérature russe que nous convie Antoine Choplin, à une veillée fascinante où la réalité révèle parfois des visions fantastiques et "féériques" où une vie qui recommence en marge d'une zone au bord de nos vies dont on attend inconsciemment des nouvelles. Chaque geste, chaque parole compte. Un livre vraiment fascinant et profond... La vie reprend dans la zone interdite...