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Que vient chercher à Saint-Domingue cette jeune avocate new-yorkaise après tant d'années d'absence ? Les questions qu'Urania Cabral doit poser à son père mourant nous projettent dans le labyrinthe de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo, au moment charnière de l'attentat qui lui coûta la vie en 1961. Dans des pages inoubliables - et qui comptent parmi les plus justes que l'auteur nous ait offertes -, le roman met en scène le destin d'un peuple soumis à la terreur et l'héroïsme de quatre jeunes conjurés qui tentent l'impossible : le tyrannicide.
Leur geste, longuement mûri, prend peu à peu tout son sens à mesure que nous découvrons les coulisses du pouvoir : la vie quotidienne d'un homme hanté par un rêve obscur et dont l'ambition la plus profonde est de faire de son pays le miroir fidèle de sa folie.
Jamais, depuis Conversation à « La Cathédrale », Mario Vargas Llosa n'avait poussé si loin la radiographie d'une société de corruption et de turpitude.
Son portrait de la dictature de Trujillo, gravé comme une eau-forte, apparaît, au-delà des contingences dominicaines, comme celui de toutes les tyrannies - ou, comme il aime à le dire, de toutes les « satrapies ». Exemplaire à plus d'un titre, passionnant de surcroît, La fête au Bouc est sans conteste l'une des ouvres maîtresses du grand romancier péruvien.
De l'histoire individuelle à la grande Histoire.
A partir d'un destin individuel, l'auteur nous entraîne au coeur de la dictature de Trujillo à Saint-Domingue, qui dura une trentaine d'années. Comme dans tous ses romans, l’écriture de Mario Vargas Llosas est foisonnante. Le récit est fait de bifurcations, de nombreux personnages bien campés, d'espace temps multiples et de destins qui s’entrecroisent souvent pour le pire. Tout est pêle-mêle et pourtant comme dans un puzzle tout se met en place au fil des pages. Une sorte de reportage historique. Nous sommes entraîné dans la vie quotidienne du tyran, sont exposés les malversations, les orgies, les turpitudes, les tortures, les exécutions, tout ce qui fait l’apanage d’un état totalitaire. Cela bien entendu est commis au nom du peuple. Pour le bien du Pays. Ces actes, que le dictateur ordonne au nom de l’ambition qu’il a pour sa patrie, sont le reflet de sa mégalomanie, de sa folie. Le trait est un peu lourd, la bête est noire ! L’auteur brosse le portrait d’un Trujillo affamé de chair fraîche, obsédé par son incontinence urinaire, manipulant ses proches comme des pions sur l'échiquier de sa folie dominatrice !
On suit en même temps les quatre jeunes conjurés du complot qui mettra fin à la dictature le 30 mai 1961. Le geste risqué de ces jeunes gens prend tout son sens au fur et à mesure qu’on entre plus avant dans le quotidien de Trujillo et dans les coulissses du pouvoir où tous tremblent devant le maître.
L’histoire personelle de la narratrice Urania, nous est délivrée au fil des chapitres jusqu’à la fin où le lecteur connaitra (il l’aura peut-être deviné avant) le véritable motif de son retour à la terre natale. L’auteur a fait un travail d’historien et de romancier. Il m’a semblé qu’il manquait quelque chose à ce roman, peut-être un peu de légèreté ? Un peu de distanciation par rapport à l’événement historique. Cependant en dépit de cette restriction, j'ai trouvé ce livre passionnant, palpitant et horrible tout à la fois.