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À découvrir
Un chocolat dans mon roman n'a pas encore complété son profil
"Je me suis longtemps appelé Filippo Scalfaro. Aujourd'hui, je reprends mon nom et le dis en entier : Filippo Scalfaro de nittis. Depuis ce matin, au lever du jour, je suis plus vieux que mon père (...) Je porte mon père en moi. Ce matin, aux aurores, je l'ai senti monter sur mes épaules comme un enfant. Il compte sur moi. Tout va avoir lieu aujourd'hui. J'y travaille depuis si longtemps".
Nous sommes en 2002. Il n'est plus le petit Pippo décédé lors d'une fusillade dans un quartier de Naples, fils de Matteo et Giuliana détruits par la perte de leur fils unique. Il est celui qui va
venger toutes ces années perdues, la honte portée sur son père qui n'a su le protéger , la fuite de Giuliana entrainée dans la folie par ce drame. Il est celui qui est revenu des enfers pour perpétuer la mémoire de sa famille et faire payer à Toto Cullaccio le prix de son crime.
Quelques années plus tôt, en 1980, un père anéanti par le décès de son petit Pippo écoutait l'étrange récit du curé Mazerotti et du professore et entrait aux enfers par la grande porte afin d'y rechercher son fils ...
Il est difficile de parler de ce roman sans tout dévoiler. Construit sur plusieurs voix, comme souvent dans les romans de Laurent Gaudé, il reprend les thèmes chers à l'auteur : les liens familiaux, la religion, l'Italie, les croyances, la mort.
La force du roman est d'ancrer le récit dans un cadre réaliste et de dériver lentement vers le fantastique sans que l'on s'en rende compte. Le lecteur suit, à rebrousse poil, le périple d'un père dont la vie a basculé le jour où son petit garçon est décédé au cours d'une fusillade qui ne le visait pas. Les sentiments sont retranscrits avec force, sans pathos, mais avec sincérité. La plume est belle et le contraste entre les deux narrateurs apporte un nouveau souffle au récit afin que l'on ne reste pas sur la peine d'un père ou le désarroi d'une mère.
Autour de cela une recherche surprenante, une nuit passée dans un café avec trois amis suspendus aux lèvres du Professore, une mystérieuse porte conduisant aux enfers ceux qui portent déjà la mort en eux, un récit inspiré de Dante, de l'Acheron et nourri de mythologie et de légendes. Où l'on apprendra peut-être qu'en 1311 Bartolomeo d'Antiocchia était enterré à Naples, dans un catafalque dont la porte reste entrebaillée, ou encore que Frédéric II avait déclaré la guerre à la mort en descendant en 1221 dans les terres d'en-bas ...
Deuxième lecture de ce roman et toujours autant de sensations et d'émerveillement devant les descriptions, les voix ...
Assis dans la salle d'attente de l'hôpital, Antoine revient sur ce qui vient de se passer. Une route, l'anniversaire de sa soeur, l'inquiétude sur son visage, puis l'accident. Elle s'apprêtait à lui révéler quelque chose, mais quoi ? Allongée dans ce lit d'hôpital elle semble avoir oublié. Faut-il revenir sur cet instant, faire remonter ce qui l'a angoissée au point qu'elle a perdu le contrôle du véhicule ? Tout se bouscule dans sa tête, mais cela semble être la suite logique des perturbations de sa vie depuis son divorce d'avec Astrid. une sorte d'errance dans laquelle il a du
mal à trouver sa place, des ados à gérer en bon père de famille qu'il n'est plus. Son divorce lui a coupé les ailes.
Pourtant il veut agir cette fois. Que s'est-il passé ? Il revoit sa soeur Mélanie sur la plage de Noirmoutier. Il avait décidé de l'amener là pour son anniversaire. Ils n'y étaient pas retournés depuis de longues années, depuis le décès de leur mère pour tout dire. Tout s'est ensuite enchainé et le souvenir de Clarisse, leur mère, a pris, lors de ce séjour, plus de place qu'il n'aurait dû. Revenir en ces lieux bénis de leur enfance a fait ressurgir le passé et ses questions sur le décès de leur mère.
Son père s'est remarié, a tout fait pour effacer jusqu'au souvenir de sa femme. Pourquoi ?
Ce n'est qu'au bout d'un long cheminement qu' Antoine découvrira ce qu'il n'aurait jamais soupçonné et se libèrera d'un poids énorme...
Les romans de tatiana de Rosnay tournent souvent autour du secret. C'est encore le cas ici, alors que le roman prend des allures de recherches à la manière d'un détective au fil des pages. Dès le départ l'auteur installe le suspens en ne livrant que par bribes les éléments qui permettraient de reconstituer le puzzle. Pourtant l'on tourne autour du pot longtemps et des redites m'ont empêchées de rester en éveil tout au long du roman. Ce n'est qu'à la p 218 que j'ai retrouvé l'élan qui entraine Antoine et sa soeur dans la recherche du passé.
J'ai apprécié en revanche les intermèdes épistolaires livrés dans le roman. On ne sait qui écrit mais l'on soupçonne que ce soit la mère d'Antoine, Clarisse, dont on lit les lettres. Adressées visiblement à un amant, elles mettent le lecteur sur la piste d'un adultère et orientent le récit vers un mystère à élucider. Je ne peux en dire davantage sans dévoiler le fameux secret !
Le récit est ancré dans la zone de Noirmoutier et l'on retrouvera avec plaisir l'évocation du Gois, de la marée et des légendes qui l'entourent.
Les thèmes abordés son variés mais tournent autour du couple, sa construction et son évolution, autour de la mort aussi, la façon dont on peut réagir face à un décés, le deuil nécessaire mais différent à chaque âge.
Amour et café
" Celle qui est ici, dans la salle de bain de la chambre 314, en train de percer un préservatif, c'est Bica ( 1,49m; boisson préférée : le galao"
Bica, femme de chambre dans le Petit Hôtel du Cocher, vient de perdre sa mère, Maria Teves "(1,64m;boisson préférée : le bica, un expresso portugais, très fort, à réveiller les morts)", qui occupait le poste de gouvernante dans ce même hôtel. Folle amoureuse d'un certain Galao avec qui elle a passé quelques minutes de pur bonheur dans la chambre Tante- Gitta , elle n'a de cesse de se raccrocher à ce qu'elle croit être une belle histoire d'amour. Pourtant Gilbert Kinderman, son galao au parfum de café corsé, est marié et volage. Tous autour d'elle la mettent en garde contre ce coureur de jupons pour qui elle n'est qu'une conquête facile de plus. D'ailleurs, n'a-t-il pas eu une aventure avec Madame, la propriétaire de l'hôtel ? Alors que l'établissement est en émoi suite aux menaces de Mme Kinderman, journaliste qui entend dévoiler une sombre affaire de prostitution dans l'hôtel, Bica découvre avec émotion que sa mère ... n'est pas morte ! Un seul objectif désormais : cacher sa mère aux yeux de tous en la maintenant dans sa chambre, faire éclater au grand jour son amour pour Galao et autoriser sa mère de rejoindre le royaume des cieux en permettant à une autre vie d'arriver (d'où les préservatifs percés ! ). Mais ce serait oublier la petite famille qui compose le personnel de l'hôtel : Madame, son fils Morten, M Klaus et le Docteur, que des liens fort unissent autour de la défunte Maria et de son inimitable café.
Voici un roman original, par son contenu comme par sa forme. Sur un air de fado, Paul Mesa nous convie à suivre Bica ( qui doit son nom à un petit café que les portugais affectionnent) dans sa quête sentimentale.
On dit que les portugais affectionnent leur café au point qu'ils lui donnent de petits noms affectueux : bica, galao... L'instant de la dégustation est un moment d'exception, de partage que nous livre ce roman de Paul Mesa qui n'a de cesse de présenter ses personnages comme un bon arabica ou au contraire comme un café édulcoré, selon la personnalité de chacun. Seul le café de Maria recueille tous les suffrages, au point que M Klaus, cuisiner de l'hôtel, "1,86 m; boisson préférée : l'othello, un expresso sur un chocolat chaud", s'évertue à en reconstituer la recette (qui entre nous soit dit nous est offerte à la fin du livre... mais chuuut !). On lira donc le roman comme un bon café, en prenant son temps, en goûtant l'humour de Paul Mesa, la convivialité de la cuisine de M Klaus à l'heure du café en compagnie du Docteur, la jovialité d'une Maria revenue d'entre les morts et les péripéties de Bica.