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Christophe LAMBERT. - 1 n'a pas fini de compléter son profil
Aéroport de Vienne, décembre 2017, Adolphe Hitler vient d’ordonner l’invasion de l’Autriche et va prononcer l’anschluss depuis la terrasse du palais impérial de Vienne. C’est la fin du châpitre du dernier roman d’Eric VUILLARD dont je termine la lecture par coïncidence au moment même où le pilote de l’avion appelle les PNC aux portes pour débarquer...à Vienne. Par le hublot à droite, on voit sur le flanc du fuselage d’un très bel avion blanc, l’inscription commerciale: airberlin !
Eric VUILLARD débute son roman par la scène de soutien financier des capitaines d’industrie
allemands au parti nazi. Ces entreprises que nous consommons aujourd’hui, de Wolkswagen à Hugo Boss, pour en citer deux parmi trente, et qui ont fourni, il y a 80 ans, les panzer et autres panoplies SS. Les phrases sont courtes, bien écrites. Du vocabulaire, mais sans ostentation. Les descriptions sont bien cadrées comme au cinéma. Des phrases robustes comme celles d’un script qui font pourtant de la vraie littérature. Puis le narrateur prend la parole en nous livrant son analyse, comme une voix off. Il dénonce ce mou-du-genoux de Kurt Schuschnigg face à ce qu’il appelle le bluff hitlérien…Il brûle d’envie de réouvrir les procès de Nüremberg. Son livre est une sorte de reconstitution-documentaire-moraliste en quelque sorte ! Format intéressant. Sans être un essai, il est difficile d’ignorer cette dimension en ne saluant que la forme réussie de ce prix Goncourt. On se pose des questions en le refermant…
Pourquoi Eric VUILLARD s’intéresse à l’autrichien ou à l’anglais, en évitant soigneusement les rangs français ? Déja vu ? Pétain, Laval… ? Trop connus ? Il y avait là aussi, matière à dénoncer la compromission sans avoir un ausweiss…
Pourquoi les marques et entreprises auraient elles une morale, et une morale indépendante de celles des personnes qui les animent ? Pourquoi s’en étonner ? Que dire d’une entité symbolique comme la France après la guerre d’Algérie ?
Comment supposer que ce qui a amené la France et l’Allemagne à s’affronter trois fois de manière aussi violente, est définitivement éteint par le seul traité de l’union européenne ? Ne peut-on pas supposer que la bataille s’est déplacée sur le plan économique et que l’Allemagne est entrain de réussir son Raumsleben. Le BREXIT est-il une répétition d’une ancienne méfiance ?
La même compromission des politiques et des peuples existe-t-elle aujourd’hui sur le thèmeéconomique ? Pillages bancaires ? Grèce à la ramasse ? Italie et Espagne, exsangues ?
Françaises, français, procurez-vous « l’ordre du jour » et un AR pour Vienne pour aller vivre le livre chez Sissi. Pour les autres, sédentaires, nourrissez votre embonpoint, prenez-vous des viennoiseries au coin de la rue et lisez moi cela tranquillement à la maison comme si vous étiez dans un salon de thé du quartier de Rathaus.
Et dites moi quelles questions vous vous êtes posées après coup…
C’est lors d’un dîner ennuyeux, c’est dans une cabine de train, pendant une marche à la campagne, on se consacre intensément à l’écoute d’un(e) inconnu(e), touché(e) par la sincérité de sa parole et la liberté qu’il jouit à se dévoiler. Deux heures de la lecture du dernier ouvrage de Gérard Depardieu rapprochent de ces moments de sincérité où on ne voit plus le temps passer et l’on échange sur un peu tout sans craindre d’être jugé(e).
Bien que sa carrière cinématographique et que sa récente notoriété médiatique nous le rendent forcément familier, on découvre
à travers ces quelques notes, le bonhomme, dans le meilleur sens du terme dans ce recueil de pensées, de résistances, de conseils avant tout à lui-même qu’il partage généreusement avec nous. Il ne cherche pas à faire œuvre, ni à être écrivain, il se sait rustique, il s’en vante. Depardieu n’aime pas les intellos. Il n’aime les calculs d’aucune sorte, il leur préfère l’enthousiasme, la spontanéité, la liberté dont il ne cesse de vouloir repousser les limites. Il encense le désir et l’oppose à la mort, il plaide le plaisir de la compagnie de ses si sensibles amis artistes. Il relate des anecdotes avec Barbara, Marcello, Maurice, Marco, François et les autres. Il est touchant quand il parle humblement de sa famille, de la casquette à Dédé, son père, de l’éducation de ses enfants. En bref, il argumente face au réquisitoire de ses échecs, à la normalisation croissante de la société, à la justice idiote, à la mesquinerie intéressée des journalistes et conclut, le sourire aux lèvres, par le seul argument qui tienne debout, « je t’aime ».
On peut parler de philosophie de vie hédoniste. Soyez toujours neuf dit-il, soyez vivant jusqu’au dernier souffle, dont il mesure paisiblement la proximité à 70 ans.
Il en devient éminemment sympathique même si on se doute que cette liberté qu’il assume a pu à la fois servir et coûter à d’autres. Aucun monstre donc dans les placards derrière ce titre provocateur, ni d’ange emmerdant de sublime perfection, mais simplement un homme qui essaie de vivre à sa manière.
Depardieu assume ses contradictions et celles de son époque. Il l’aime comme il peut, comme il est, comme elle est, comme nous faisons tous. Si il était là, on lui soufflerait cette déclaration d’amour à la vie, comme Cyrano à Christian, cet oxymore d’un poème de Beaudelaire qui affectueusement racontait à sa chérie le récit de ses rêves: « — Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts. »
Mémoire vive.
Qui n’a pas été interloqué par le flow du bonhomme ne comprend pas tout de cette œuvre truffée de points de suspension et d’interrogations. Il ne serait pas injuste de dire points de suspens-ion. On le croit volontiers ailleurs, profondément enfoui en lui-même, entrain de télégraphier et de raturer le message qu’il nous destine… avant de s’enfuir en province sous le faux nom de l’un de ses personnages.
Si on le file page à page, on retrouve dans sa planque, ses « souvenirs dormants » épinglés au mur à la manière dont on prépare un coup dans le milieu. Des portraits de femmes, croisées, perdues, revues à différentes époques, une carte de paris avec des tracés au feutre en rouge de leurs promenades, des localisations de rendez-vous, une coupure de presse de 65 dont le papier a jauni, des notes qu’il a recopié, tenues par un trombone rouillé qui a déteint, une phrase de Balzac écrite à même le papier peint avec un morceau de charbon. Il est écrit : souvenirs, puis un mot illisible, probablement effacé avec le poing. Peut-être…peut-être…dormants?
Le livre est bon. Le poids des médailles honorifiques (Nobel) pendant à sa boutonnière n’a pas pesé sur le style de notre équilibriste. Heureusement flou, intriguant sans être policier, quoique, notre Patrick qui a toujours cultivé un brouillard littéraire, se souvient parfaitement, à 72 ans, comment inventer un souvenir qu’il a vécu. Une brume soulageant dans notre époque dataïste qui nous gave de précisions qui ne nous informent de rien.
Psychanalystes, amateurs de bêtes à concours littéraires, parisiens des faubourgs, cadres du 36 Quai (je ne m’adresse pas à la base qui n’a pas le goût de lire autre chose que la biographie de Poutine), courrez acheter le dernier bijou de notre Orfèvre national, notre médaille d'or des lanceurs de boules ninja. Quand c’est fait, un soir, prenez le bouquin et allez lire la première partie à Pigalle, le lendemain… la seconde à Saint-Mich…
En le refermant, j’ai chanté : »Paris, reine du… » et toi qu’as tu chanté ?