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Valmyvoyou lit n'a pas encore complété son profil
« A louer, vue mer, appartement semi-indépendant dans maison de maître, à quinze minutes du continent. Navette maritime assurée à heures régulières. Hommes s’abstenir. » (p. 16)
Laurette est âgée de 85 ans. Propriétaire d’une maison sur une île méditerranéenne, elle loue des chambres à des femmes. Curieusement, ces dernières ne s’attardent pas. La dernière est même partie, subitement, en abandonnant une partie de ses affaires. Seule Magalie est installée depuis plusieurs années.
Robert, le fils de Laurette, est chargé de sélectionner les locataires. Ce jour-là,
il reçoit Natacha. Comme toutes les candidates, elle a une vision idyllique de la proposition. Mais elle ne connaît pas sa future logeuse. Séduit par son profil et emporté par son enthousiasme, Robert l’emmène visiter le studio, sans même avertir sa mère. Pour cet homme, écrasé par la domination maternelle, c’est un acte de rébellion qui le rend, à la fois, fébrile et fier.
En effet, il sait que Laurette n’acceptera pas cet affront, mais il ne peut pas anticiper de quelle manière elle l’exprimera. Elle est imprévisible, mais, terriblement, maligne et manipulatrice. Au début, j’ai adoré la détester. Son caractère acariâtre et sa personnalité tempétueuse m’amusaient. Par moments, elle m’attendrissait. Je la trouvais insupportable, mais je l’aimais bien. Comme elle, j’étais versatile : mes sentiments envers elle ont évolué au fil des révélations.
Selon les interlocuteurs, Laurette n’adopte pas la même attitude. Avec ses enfants, elle est condescendante et autoritaire ; avec Agathe, sa petite-fille, elle est patiente, indulgente et paraît même éprouver un peu d’admiration pour sa vivacité. Les histoires qu’elle raconte sont des anecdotes merveilleuses et sensationnelles pour Agathe, des élucubrations pour Magalie et des mensonges pour Robert. Personne ne sait qui est, réellement, la vieille dame. Chacun a une perception contraire.
Plusieurs voix relatent les faits. Les phrasés et les mélodies des pensées sont reconnaissables. C’est très subtil. De plus, la psychologie des personnages est approfondie. Ils n’ont pas le même chemin de vie, ni les mêmes sensibilités et plusieurs d’entre eux cachent des douleurs enfouies. J’ai été, particulièrement, touchée par celles de Robert : malgré son âge, il est toujours un petit garçon en quête d’amour maternel. Magalie, quant à elle, recherche l’apaisement et l’acceptation d’elle-même.
L’ambiance est un élément essentiel du roman. Au départ, elle semble légère (je souriais énormément), mais au fil des mystères évoqués, l’atmosphère s’opacifie et se noircit. Des textes sibyllins, des confidences énigmatiques, des mots équivoques, des pensées nébuleuses m’ont entraînée sur un versant inquiétant, dont je ne discernais pas l’issue. J’analysais chaque indice, mes émotions étaient chahutées et effectuaient des volte-face. Elles s’opposaient et ne sont affirmées que lorsque le tableau a été complet. Au cœur du climat ténébreux, des piques d’humour se glissent : ce contraste est jubilatoire et provoque des éclats de rire, alors que le contexte s’assombrit.
J’ai eu un coup de cœur pour ce magnifique roman psychologique dans lequel des secrets insoupçonnables et épouvantables se dévoilent avec parcimonie. Leur révélation, est-elle une libération ou un emprisonnement ?
1848, dans la région de Saint-Pétersbourg. La Princesse Iéléna Vatchenko fuit sa vaste demeure, à cheval, accompagnée de ses chiens. Elle a besoin de s’éloigner pour pleurer. Quelques jours plus tôt, elle a donné naissance à des jumeaux et l’un d’eux est décédé. Elle ne veut pas assister à la cérémonie d’adieu. Sa chevauchée est stoppée par un spectacle horrible : la neige est ensanglantée et une troïka est renversée. Sur les lieux de l’accident, elle entend les pleurs d’un bébé. « Ce ne pouvait être un hasard. Cet enfant était là pour elle, pour combler
ce vide qui, depuis la nuit dernière, l’empêchait de respirer. » (p. 41) Elle est persuadée qu’il est la réincarnation de Alekseï. Elle convainc son époux, Vassili, d’élever le petit, comme leur propre fils, auprès de Viktor. Cette décision scelle leur destin.
Les deux bébés sont élevés comme des frères. Ils grandissent heureux, sans soupçonner la vérité. Le prince et la princesse respectent les personnes qui travaillent pour eux, aussi, celles-ci leur sont dévouées et fidèles : leur secret n’est pas éventé. Pavel, un moujik (paysan) et son fils Nikolaï veillent sur leurs maîtres. Seul le frère cadet de Vassili représente un danger, en raison de sa jalousie au sujet de l’héritage familial. Par appât du gain, il est prêt à tout pour se venger de son aîné. Il se jure de prendre sa place. Hélas, la quiétude du domaine est ébranlée par la guerre en Crimée. « Les Français et les Britanniques menacent de gagner, il faut des troupes fraîches » (p. 168).
Les nuits de Saint-Pétersbourg est le deuxième tome de la saga Le Palais des Mille vents. Cependant, ce sont de nouveaux personnages qui sont au cœur de l’intrigue, bien que la quête du précédent opus soit présente en filigrane.
Je me suis énormément attachée à cette famille qui nous est présentée. Iéléna est une femme sensible et forte. Son instinct maternel lui insuffle un courage qu’elle ne s’imagine pas posséder. Par amour, que ce soit pour ses fils, pour son époux, pour ses employés ou pour ses animaux, elle affronte les épreuves avec ardeur et témérité. Rien ne lui fait peur, même pas la mort, quand il s’agit de protéger les siens. Sa gentillesse, sa générosité et, surtout, la considération pour ceux qui travaillent pour elle lui apportent leur affection et leur attachement. Aussi, ils sont prêts à tous les sacrifices pour le bonheur de leur maîtresse. Vassili possède les mêmes qualités que son épouse. C’est un homme aimable, un mari aimant et un père présent. Il ne recule pas devant son devoir. Sa bonté est reconnue par Pavel, qui n’abandonne jamais son maître. J’ai aimé la fidélité de ce moujik tendre et discret. Il a transmis ses valeurs à son fils. Celui-ci, Nikolaï, m’a émue par son abnégation et par la pureté de ses sentiments.
De nombreuses épreuves constituent l’essence des Nuits de Saint-Pétersbourg. De nombreuses fois, un cri de détresse et d’effroi s’est échappé de ma gorge. J’étais tant emportée par l’histoire que je la vivais avec mes tripes. J’ai été remuée par les drames qui émaillent le récit, d’autant qu’ils se produisent, souvent, lorsque la situation semble apaisée. Je ne les anticipais pas et je les découvrais avec surprise et émotion.
Comme dans les ouvrages précédents de l’auteure, le paysage et le climat sont des personnages à part entière du récit. L’écriture est très cinématographique : chaque scène s’infiltre dans notre pupille, notre imagination est attisée, tous nos sens sont éveillés et les descriptions s’inscrivent dans les évènements. La lecture de ce roman est une aventure merveilleuse. Kate McAlistair a une plume exceptionnelle : chaque phrase génère une sensation ou un sentiment.
J’ai eu un immense coup de cœur pour Les Nuits de Saint-Pétersbourg.
Une héroïne intrépide
La nuit du 5 au 6 janvier 1649, le carrosse royal chute dans la Seine. Le jeune Louis XIV, futur roi de France, risque la noyade. Il est alors sauvé par Céleste, La fille du bourreau. De cet événement, une complicité naît entre les deux enfants. Tous deux cachent la réalité de leur cœur. Sur les épaules de Louis, pèse son avenir. Celles de sa nouvelle amie sont écrasées par l’ostracisme qui frappe sa famille, en raison du métier de son père.
Sous ses habits de garçon, Céleste ne peut être elle-même. Sa lignée est un assujettissement, sa condition féminine, un fardeau funeste. Son seul compagnon est son frère, Joachim. Leur père a conscience que « sans mère, sans amis, ils n’ont déjà pas la vie facile.» (p. 15) Plus tard, l’un d’entre eux récupérera la charge paternelle. Pourtant élevés avec amour, ils ne peuvent contrarier le destin.
Dans le pays, la révolte gronde. Le Parlement conteste l’autorité royale et le pouvoir croissant du Cardinal Mazarin. Frondeurs et gardes du roi s’affrontent. Céline Knidler dépeint parfaitement le climat explosif du royaume, le déroulement des événements et les positions de chaque camp. Les batailles bloquent les approvisionnements et la famine sévit. J’ai été captivée par la force de la narration : les faits historiques sont vulgarisés et intégrés au récit. Le roi Louis XIV, alors qu’il n’est qu’un enfant, tient une place importante dans le récit. Alors que je me le représentais comme un souverain orgueilleux et autoritaire, j’ai été surprise de découvrir un être facétieux et tendre. J’ai, aussi été fascinée par la description des fonctions du bourreau.
Céleste est intrépide et maligne. Avec Joachim, elle multiplie les ruses pour améliorer l’ordinaire du foyer. Mais les deux chenapans sont rattrapés par leurs actions… La jeune fille perçoit alors le poids de la dualité entre sa véritable nature et les apparences. Le travestissement de la vérité lui est de plus en plus difficile. Elle sait que son existence en dépend, mais elle formule de nouveaux rêves. Son combat intérieur est touchant. J’ai aimé l’évolution progressive de ses aspirations et de sa personnalité. Le changement est imperceptible pour ses proches, mais immense pour elle. Elle conserve son audace, mais elle la colore de sentiments nouveaux pour elle. Malheureusement, son secret entrave ses rêves. J’ai adoré cette héroïne : elle est passionnée, intelligente ; elle est déchirée entre les lois inébranlables de son époque et ses espoirs, teintés d’humanisme et de modernité. Je suis impatiente de la retrouver dans L’envolée, qui paraîtra en 2024.
J’ai adoré La fille du bourreau.