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Outre-Atlantique est un roman en forme de poupée russe, ou plutôt, il fonctionne en nous livrant plusieurs poupées les unes après les autres sans nous expliquer immédiatement de quel jeu il s’agit. Du coup, nous sommes un peu perplexes au début du livre, et nous ne comprenons pas bien de quoi il est question. Mais peu à peu, nous réalisons que l’intrigue est en marche : quels sont les liens entre ces personnages si différents ? quel est cet homme dont la moitié de la tête fut arrachée durant la seconde guerre mondiale ? que s’est-il passé sur le champ de bataille ? Nous découvrons
d’abord Martin, qui fut abandonné à une boulangère française lors de la Libération, et qui a suivi sa famille adoptive lorsque celle-ci a déménagé en Californie. Puis nous passons à Monsieur Hugo, que son visage arraché a isolé du monde, mais qui s’occupe de son petit voisin lorsque sa mère a trop de travail, et l’initie à la lecture. Il y a aussi cette jeune femme aveugle, dont le grand-père vit en Angleterre, et qui fut toute sa vie éperdument amoureux de sa femme, Harriet, même lorsqu’il faillit mourir sur le front. Quelles sont alors les relations entre tous ces personnages ? Si l’intention de l’auteur est assez floue au début, lorsque tout se met en place nous sommes à la fois saisis et émus par la beauté d’une telle reconstitution.
Outre-Atlantique parle de la guerre, d’une façon pudique et touchante. Il n’est pas question d’en décrire les atrocités, ou de faire vivre au lecteur des scènes violentes écrites mille fois. Certes, les événements évoqués sont parfois cruels, mais la cruauté est toujours passée lorsqu’elle entre en scène, le mal est un écho ou un une trace refroidie depuis longtemps. Tout a déjà eu lieu, et les personnages arrivent toujours après le pire, ce qui les sauve d’ailleurs, mais permet surtout à l’auteur de se concentrer sur autre chose, à savoir le lien entre les êtres, leur capacité à avancer malgré tout pour se reconnaître avant qu’il ne soit trop tard.
Il s’agit d’un roman qui a un peu de mal à nous captiver dès le début, mais qui se met en place lentement pour pouvoir enfin se révéler dans toute sa beauté.
Boddah est l’ami imaginaire de Kurt Cobain, et c’est lui qui va nous raconter la vie de la star du grunge. En effet, Kurt Cobain est toujours resté fidèle à cet ami, peut-être parce que son enfance malheureuse entre deux parents mal aimants a créé en lui un besoin d’affection si fort que pour y répondre, il n’eut d’autre choix que de se fabriquer lui-même l’ami idéal. Le roman de Boddah est donc à la fois une biographie et un roman passionnant. Nous assistons surtout à la gloire de Kurt Cobain, gloire à laquelle il était terriblement mal préparé. Et nous sommes également
témoins de l’histoire d’amour passionnée et bien plus merveilleuse que ce qu’en ont fait les médias, entre Cobain et Courtney Love, histoire que Héloïse Guay de Bellissen parvient à nous faire vivre de l’intérieur, sous un angle bouleversant et romantique.
Il faut dire que faire parler un ami imaginaire pour raconter la vie de quelqu’un est un tour de force. En effet, le moyen aurait pu être ridicule ou superficiel, mais Héloïse Guay de Bellissen s’y prend tellement bien que ce stratagème semble précisément être le seul qui aurait pu convenir pour mener une telle entreprise. Car faire revivre Kurt Cobain, ce n’est pas une mince affaire. Pourtant, plutôt qu’une perspective totalement extérieure et froide, plutôt que tromper le lecteur en faisant parler Cobain lui-même, quoi de plus original et de plus intéressant que faire raconter sa vie par son ami imaginaire en personne ? Cet angle permet de nombreuses libertés à l’auteure, du ton moralisateur à la plus forte des tendresses, et c’est également cela qui nous permet de nous sentir plus proche que jamais de cet homme pourtant si fantasque et distant.
Les passages les plus réussis sont ceux consacrés au couple formé par Courtney Love et Kurt Cobain. Loin de l’image de la rockeuse sale et déjantée, hystérique et vulgaire, nous découvrons une poétesse, une femme forte et admirable, capable d’un amour extraordinaire, amour qui la fit descendre en enfer, elle et son enfant. Très richement documenté, Le roman de Boddah nous fait partager pendant plus de 300 pages le quotidien de ce couple hors-norme, fascinant et dérangeant à la fois, composé de deux enfants incapables de devenir les adultes que le monde attend. Nous retrouvons également avec émotion les grands noms de cette époque désormais révolue : Billy Corgan des Smashing Pumpkins, les autres membres de Nirvana, et de nombreux autres témoins de l’ascension fulgurante de la star.
Le roman de Boddah est un roman fort et bouleversant, un coup de cœur poignant, qui nous fait assister, en tant que témoins privilégiés, que l’on apprécie ou pas Nirvana, à l’existence, chaotique et désespérée, d’un grand poète.
Passionnant
Yeruldelgger est un roman policier très réussi se déroulant en Mongolie. Nous y découvrons sa capitale, Ourlan-Bator, et ses blocs soviétiques qui côtoient les gratte-ciel, ses immeubles en verre et ses égouts qui abritent tous les exclus venus s’y réchauffer. Nous y découvrons également ses forêts, ses plaines infinies et ses déserts que des touristes Coréens traversent à dos de quads en piétinant tout, êtres humains et traditions, sur leur passage. C’est dans un de ces paysages sublimes, sur une terre desséchée, que le cadavre d’une petite fille est retrouvée par des villageois. Le commissaire Yeruldelgger est appelé sur les lieux, et la vision des restes du cadavre de la fillette lui rappelle de bien douloureux souvenirs. En effet, ce commissaire meurtri a perdu sa propre fille lors d’une enquête, quand des criminels avides de s’emparer des terres mongoles l’ont enlevée afin que son père renonce à son enquête. Cinq ans plus tard, cette enquête sera alors pour lui vécue comme une chance de rédemption. Mais les cadavres de trois chinois retrouvés dans un entrepôt viennent compliquer la donne, et vont dans un premier temps reléguer au second plan l’enquête sur la petite fille.
Yeruldelgger parvient à nous fasciner pour cette terre inconnue, ses habitants, son histoire, les problèmes auxquels ils sont confrontés, et surtout les traditions omniprésentes qui en abritent le quotidien. Le roman nous emporte très vite dans sa course effrénée pour que vérité et justice soient faites, malgré la corruption qui semble un fléau bien pire que le crime, et malgré une modernité galopante qui risque d’emporter sur son passage beaucoup de souvenirs ancestraux. Les rebondissements sont nombreux et inattendus, nous offrant une bonne dose de peur et d’excitation et des scènes d’anthologie (fosse aux serpents, course-poursuite dans des égouts où s’abritent les sans-logis, …).